Un référendum bête et méchant
S’attaquer aux plus faibles, l’extrême droite nous y a habitués. C’est son fonds de commerce, sa vision du monde. Il faut pourtant avouer que le référendum lancé lundi par l’UDC et le MCG, à Genève, a surpris, tant d’indignité paraissant inimaginable en ces temps troublés.
Les 15 millions votés à grand peine par les députés pour venir en aide aux précaires d’entre les précaires, ceux qui ont traversé le semi-confinement sans autre ressource que l’aumône, sont à nouveau bloqués. Alors que l’assurance chômage a largement arrosé les entreprises, que la Confédération leur a prêté et donné à tout-va, que chaque catégorie sociale bien établie a reçu son geste politique, les quelque 3000 à 4000 employés de maison, manœuvres au noir, étudiants en mal de job, faux indépendants (Uber, etc.), prostituées interdites d’activité, qui misaient sur cette maigre allocation 1>Au maximum 8000 francs pour deux mois de confinement. peuvent retourner faire la queue à la Caravane de solidarité.
«C’est une question de principe. On ne peut pas donner des indemnités pour du travail non déclaré», justifie le député UDC André Pfeffer, dont on mesure le type de principes qui l’habite. Pas celui de la compassion envers une population durement éprouvée, mais sûrement celui de la démagogie et de la mauvaise foi, lui qui avance la nécessité d’un «débat populaire». Les référendaires savent très bien qu’un succès de leur récolte punirait d’office les bénéficiaires de longs mois d’attente avant l’organisation d’un vote sur l’«aide d’urgence»…
En s’acharnant sur les plus modestes, UDC et MCG rendent un bien mauvais service à l’ensemble des Genevois. La relance de la pandémie en Catalogne a mis en évidence, une nouvelle fois, l’équation entre précarité économique et propagation du Covid-19. En mai, une étude des HUG et de MSF montrait que le risque d’être contaminé était quatre fois et demi plus grand chez les plus pauvres. Une pauvreté qui n’a rien de relative, comme l’indique un second sondage publié en juin: deux tiers des bénéficiaires de la Caravane n’ont pas mangé à leur faim ce printemps. Que pèsent les injonctions à la prudence, lorsque la nécessité du gain tenaille l’estomac?
Reste un espoir: que l’émotion et la solidarité suscitées par les longues files des Vernets, y compris à droite, coulent le sous-marin populiste. De quoi nous faire croire, encore un peu, au monde d’après.
Notes