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Quelle sortie de crise?

REMERCIEMENTS
Covid-19

Parmi les leçons à tirer de la crise pandémique, entre affaiblissement de la biodiversité et fragilisation accrue des populations précaires, René Longet mise sur les engagements internationaux et l’action citoyenne.

Même si en Suisse et dans les pays environnants, le Covid semble moins actif – ce qui ne l’empêche pas de continuer à sévir dans d’autres parties du monde –, ce printemps bien particulier restera inscrit dans la conscience collective. Les ressentis sont ambivalents. Un moment d’accalmie dans la folle fuite en avant de nos sociétés. Un moment où les routes étaient libres, les avions cloués au sol et les oiseaux heureux. Un moment de solidarités spontanées de voisinage ou entre collègues – mais aussi de séparations familiales et personnelles. Un moment où de nouvelles modalités de travail et de communication ont été pratiquées – dans toute leur ambivalence.

D’autres aspects sont plus que négatifs: des centaines de millions de chômeurs supplémentaires dans le monde – surtout dans l’économie informelle. Une pauvreté qui augmente d’un bond, un grand nombre de PME au bord de la faillite ou déjà la clé sous le paillasson; de considérables dettes publiques et privées pour de nombreuses années.

L’histoire fera le bilan des positions contrastées des Etats, prises dans l’urgence et le manque de connaissances. Mais aussi par rapport à d’autres maladies contre les causes desquelles on reste très peu mobilisé: polluants chimiques, excès de sucre et de sel, mode de vie malsain contraint ou choisi. Parmi les leçons de cette période, soulignons:
• pour beaucoup d’experts, l’affaiblissement de la biodiversité est une des causes de l’apparition de virus agressifs;
• celles et ceux qui assurent les services de base faisant vivre nos sociétés sont parmi les plus précarisés, les plus mal payés, voire sans existence juridique (les sans-papiers);
• la nécessité de faire repartir la machine économique sur d’autres bases que la fragilisation écologique et sociale et la maximisation financière à court terme;
• l’exigence de renforcer les engagements internationaux, car, pas plus que la pollution, les microparticules de plastique ou le CO2, les virus ne connaissent de frontières.

Sur ce dernier point, on appréciera que les crédits-cadre quadriennaux pour la coopération internationale aient passé le cap du Conseil national ce mois de juin. Certes, la commission préparatoire avait préavisé pour une augmentation, d’autres (toujours les mêmes) auraient voulu des coupes. Mais la proposition du Conseil fédéral a été finalement suivie.

Une relance qui prenne en compte l’exigence climatique et qui oriente les investissements vers les objectifs de développement durable des Nations Unies est indispensable, si l’on ne veut pas préparer la prochaine crise, infiniment plus grave. L’arrêt brusque des activités n’est pas la bonne solution, on l’a vu, et c’est une reconversion qu’il faut promouvoir.

L’UE l’amorce par son Pacte vert et ses programmes d’économie circulaire. L’Agence internationale de l’énergie propose un plan de promotion massive des énergies renouvelables, de l’efficience énergétique et de l’assainissement du parc immobilier, avec 21 millions d’emplois pérennes et non délocalisables à créer en trois ans. En Suisse, on suit plus modestement; ainsi avec une loi sur le CO2 comportant diverses avancées intéressantes.

Quant à la revalorisation des métiers clés, on en est loin, mais ce point doit être au cœur des revendications sociales. Enfin, s’agissant de la biodiversité, chez nous aussi, elle est en péril. Et c’est sur chaque parcelle de sol qu’il faut lui accorder une place: des espaces pour des espèces. Mais sans l’engagement des citoyennes et des citoyens, tout cela n’avancera pas au rythme nécessaire. Signalons ici deux démarches: le Manifeste d’Après, le réseau genevois de l’économie sociale et solidaire 1> «Pour un new deal écologique et solidaire»: www.apres-ge.ch/manifeste et l’appel adressé au Conseil d’Etat genevois 2> «La crise sanitaire ne doit pas nous faire oublier l’urgence climatique»: www.appel-ge-climat.ch. Des démarches à l’unisson des propositions qu’a rendues publiques tout récemment en France la Convention citoyenne pour le climat.

* Expert en durabilité.

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