Édito

La justice pour réconcilier les Balkans

La justice pour réconcilier les Balkans 2
Le président kosovar, Hashim Thaci, a été inculpé pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité par la justice internationale. KEYSTONE
Crimes de guerre

Meurtres, disparitions forcées, persécutions, actes de torture… Les charges pesant depuis le 24 juin sur le président kosovar, Hashim Thaci, et ses présumés complices sont gravissimes. Les crimes de guerre et contre l’humanité retenus par le Tribunal spécial international de La Haye contre les anciens dirigeants de la guérilla kosovare (UCK) ont fait des centaines de victimes, principalement serbes bien entendu, mais aussi des Roms et des Albanais, qui ont eu le malheur de ne pas appartenir au bon clan politique ou de s’être trouvés en porte-à-faux avec les pratiques mafieuses de l’UCK.

L’inculpation de M. Thaci et de son acolyte Kadri Veseli a surpris. Non pas que l’on doutât de ces accusations, mais vingt ans après les faits, l’espoir d’une justice qui ne soit pas celle des vainqueurs s’était évanoui dans les Balkans.

Nationalisme oblige, les Kosovars ont pour l’heure réagi par le déni, oubliant soudain que la plupart d’entre eux avaient déjà condamné l’ancien chef de guerre devenu homme politique pour la corruption de son régime. Or poursuivre Hashim Thaci et son clan n’équivaut pas à condamner la légitimité d’une indépendance kosovare que plus personne ne conteste, même pas l’«ennemi» serbe. Au contraire, une telle décision de justice aiderait sans doute le Kosovo à prendre un nouveau départ. A se débarrasser d’une clique trop longtemps dominante et à prendre conscience de ses responsabilités et devoirs à l’égard de l’importante minorité serbe qui subsiste dans cette ancienne province yougoslave.

Plus qu’un échange ethnique de territoires et de populations, à l’ordre du jour entre Belgrade et Pristina sous les auspices de Donald Trump, Serbes et Kosovars ont besoin d’oublier leurs rengaines nationalistes. Ce procès peut y contribuer, en revisitant sérieusement le mythe fondateur kosovar, celui d’un combat sans tache pour la liberté et contre l’oppression serbe. Il est temps de reconnaitre que des Kosovars ont aussi perpétré des assassinats ciblés et mené des nettoyages ethniques. Et d’accepter que l’avenir s’écrive autrement, dans l’entente et le respect des peuples des Balkans.

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