Mieux vérifier les identités
La soirée Reggaeton animée par DJ Latin Lover et son collègue Allex ZH aura-t-elle lieu le 4 juillet au club Flamingo de Zurich? Une séance doit notamment réunir ce mardi Alexander Bücheli, président de la Commission suisse des bars et des clubs (SBCK), et Natalie Rickli, conseillère d’Etat chargée de la santé publique, pour régler le problème du traçage des cas de Covid-19 dans les boîtes de nuit.
Leur réouverture sans restriction d’horaire entrée en vigueur le 22 juin fait débat. La mise en quarantaine de 300 clients du célèbre club de la Limmatstrasse à Zurich en contact avec une personne infectée, lors d’une soirée le 21 juin, s’est faite à grand-peine, beaucoup ayant laissé de fausses adresses e-mail.
Fermeture redoutée
Les contrôles d’identité devraient-ils être plus sévères et les contacts mieux vérifiés? «Nous allons parler de cela ce mardi avec les autorités cantonales», répond Alexander Bücheli. «Il faut savoir que les propriétaires ne peuvent pas faire le boulot de la police. Une base légale manque pour que nous nous substituions à son autorité. Il existe des moyens, comme l’obligation de disposer d’un QR code, mais pour l’heure, ce genre de dispositif relève de la décision des clubs. Tout le monde ne dispose pas d’un smartphone.»
«Si cela continue, c’est la fermeture qui pend au bout du nez» Jürg König
Le président de la SBCK redoute-t-il la fermeture des clubs ou un serrage de vis? «La question est de savoir si nous pouvons tolérer 5 ou 6 cas de Covid-19 sur des milliers de visiteurs en trois semaines dans nos boîtes de nuit», répond Alexander Bücheli. Des solutions techniques existent pour assurer la traçabilité des clubbeurs, comme le Swiss Night Pass lancé par la plateforme Save-the-night.ch, qui a pour objectif de soutenir les acteurs de la vie nocturne lors de la crise sanitaire.
«Lors de la réouverture des clubs, il y a trois semaines, nous avons lancé ce système pour les aider à se conformer aux directives fédérales», explique son cofondateur Loris Savary, responsable communication de la start-up Smeetz à Renens (VD). «Sur le site, la personne donne nom, prénom, numéro de téléphone et adresse email. Elle reçoit un courrier électronique – son adresse doit donc être exacte – qui lui permet de télécharger le sésame.»
Le QR code s’impose
Au moment d’entrer dans la boîte de nuit, elle doit présenter le QR code figurant sur son Swiss Night Pass et sa carte d’identité. Le club s’assure que les identités correspondent. «A partir de ces renseignements, des listes automatiques sont établies et stockées pendant les 14 jours suivant la soirée», explique Loris Savary. «C’est une solution beaucoup plus fiable que les listes papier.»
Le White, le D! Club, le Folklor ou encore le Bleu Lézard à Lausanne sont autant d’établissements qui ont adopté le passeport. Tout comme la Fabrick à Châtel-Saint-Denis ou encore le Lapin Vert à Nendaz. La start-up vaudoise aimerait généraliser le système à toute la Suisse et les discussions avec les faîtières sont en cours. Mais la discothèque Globull, par exemple, a préféré avoir recours à son propre système, partagé avec d’autres établissements du chef-lieu gruérien.
S’il est satisfait de l’adoption du Swiss Night Pass, qu’il voit comme complément à l’application Swiss Covid, le directeur du D! Club Thierry Wegmüller dénonce l’excès d’attention médiatique accordée aux clubs à cause de la traçabilité qu’ils offrent: «Prenez un clubber, ou un spectateur de concert debout, empruntant les transports publics, qui commence la soirée dans un bar avec une dizaine d’amis», illustre-t-il. «Un seul donne ses coordonnées; il se rend ensuite dans un club, puis il termine dans une after party privée avec 20 personnes. On apprend qu’il est contaminé: seul le club sera pointé du doigt et ce, parce qu’il a pris les coordonnées de toutes les personnes présentes.»
Une incohérence
Le roi des nuits lausannoises dénonce une incohérence face à la promiscuité anonyme qui règne dans les lieux publics comme les transports en commun ou les plages. «En définitive il faut savoir ce qu’on veut: régler un problème économique amène un problème sanitaire, et vice versa», raisonne-t-il.
La responsabilité individuelle semble être encore le meilleur moyen de satisfaire à ces deux impératifs. «Or, le problème, à mon avis, c’est que les jeunes qui fréquentent les clubs s’en fichent totalement», avise avec pessimisme Jürg König, membre du comité de l’Association des cafés-concerts et night-clubs (ASCO). «Si cela continue, c’est la fermeture qui pend au bout du nez.»
Une telle décision pourrait aussi être prise par les cantons. Le conseiller fédéral, Alain Berset l’a rappelé hier aux directeurs cantonaux de la santé publique qu’il a rencontrés. LA LIBERTÉ