L’élan puissant du 14 juin
Grève féministe, un an après. L’anniversaire appelle le bilan. Comment l’établir?
Au niveau politique, la proportion des femmes a atteint l’automne dernier un niveau historique au parlement fédéral, ce qui modifie la teneur des débats, en plénière et en commissions, et des motions déposées. Mais pas encore les votes, qui restent, eux, plutôt conservateurs. La mobilisation du 14 juin semble malgré tout avoir fait progresser la sensibilité du parlement face aux violences sexistes, parole d’élue.
Sur les lieux de travail, le bilan est plus que mitigé: les cahiers de revendications déposés en amont de la grève du 14 juin 2019 ont été bien peu honorés. Etaient-ils trop ambitieux? La réalité est plus crue: le pouvoir ne se partage pas facilement et les principes économiques du capitalisme s’accommodent mal des droits humains. Passé les déclarations d’intention égalitaristes, les revendications concrètes n’aboutissent pas. Et chaque progrès nécessite ténacité et cohérence. Il a fallu quatre ans de lutte à une femme congédiée à son retour de congé maternité pour faire reconnaître que son licenciement était abusif, ce que vient de confirmer le Tribunal fédéral!
Tenace et cohérent, le mouvement du 14 juin a montré qu’il était les deux. Les collectifs auraient pu disparaître dans le burn-out militant, le rappel à l’ordre des structures établies, le découragement. Or les grévistes ont été de toutes les luttes: le 24 novembre, jour de l’élimination des violences sexuelles, lors des marches climatiques et des manifestations anti-racistes récentes, le 8 mars, Journée des femmes, et à nouveau ce 14 juin. Elles promettaient de ne rien lâcher. Elles disaient vrai.
La force de leur combat? Sa vérité. Elle a mobilisé des dizaines de milliers de femmes* de toutes générations, qui s’y sont reconnues. Elles y ont puisé l’énergie de dire non, dans la rue, à la maison ou au travail. Douloureusement ou joyeusement, seules ou avec la force du groupe et parfois, comme le révèlent nos portraits, dans une lignée familiale.
Une vérité doublée d’une vision: les 19 points du Manifeste de la Grève féministe et des femmes* né l’an dernier contribuent chacun à leur façon à un monde plus juste, pour tous, sans discrimination et sans violences sexiste, raciste ni économique. C’est pour cela qu’il n’y a rien à lâcher. Elles le rediront dimanche.
* L’astérisque désigne toutes les personnes qui s’identifient comme femme.