Des soins indispensables
Etant l’un des médecins qui ont soutenu la crise humanitaire en Syrie depuis 2011, notre expérience en médecine de catastrophe peut se transposer sur les suites de la crise de la pandémie du Covid-19 par rapport à quelques éléments clés.
Le nombre de morts lié à une catastrophe médico-sanitaire ne se limite absolument pas aux victimes directes de la cause principale, qu’il s’agisse d’un virus ou d’une guerre meurtrière. Le nombre total des victimes de ces catastrophes se détermine aussi par les dégâts collatéraux durant la crise elle-même, ainsi par les dégâts consécutifs à cette crise à moyen et long terme.
Le virus qui tue durant la crise a pu, par le truchement du confinement, tuer indirectement un nombre incalculable de personnes fragiles que l’isolement a privé de soins médicaux urgents.
En effet, les statistiques de certains pays européens montrent une baisse très importante du nombre d’admissions de cas d’infarctus (de l’ordre de 30%). Constatation effarante qui signifie que les malades habituellement adressés aux urgences pour se faire soigner d’affections majeures n’ont pas pu profiter de ces soins aigus nécessaires à leur survie ou pour éviter des handicaps définitifs.
S’agissant d’une guerre qui prive les civils de l’accès aux soins et aux médicaments, ou d’une pandémie qui prive des personnes chroniquement malades de leurs contrôles médicaux réguliers, le constat impose de la même manière une réflexion urgente pour pallier à une situation qui perdure.
Malgré un début d’une levée de confinement timide, les malades chroniques continuent à éviter les cabinets médicaux par peur d’être contaminés par le virus. Il est de notre devoir, corps médical et autorités publiques, de s’attaquer à la question du manque d’information afin d’améliorer l’accès aux soins pour ces personnes vulnérables.
Une information crédible et claire est ainsi plus qu’urgente: les soins médicaux pour les personnes malades chroniquement doivent reprendre de suite, au risque de voir les chiffres des statistiques de mortalité annuelle, cachés pour le moment, grimper d’avantage et alourdir le bilan final de la catastrophe.
Tawfik Chamaa,
médecin, Genève