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L’insoutenable légèreté du capitalisme

Le mode de production capitaliste monopoliste a directement contribué à l’émergence et à l’expansion de la pandémie, selon Christian Mounir. Réflexion.
Covid-19

Soyons clairs: la pandémie de Covid-19 est une maladie des sociétés modernes, c’est-à-dire du capitalisme monopoliste, cette forme de capitalisme dominée par d’énormes groupes résultant de la fusion de l’industrie, de la finance et de la politique qui désormais gouvernent les destinées du monde, et dont les gouvernements sont les intermédiaires. Les grands médias et l’industrie du divertissement et du spectacle ont été, pour l’essentiel, absorbés au sein de ces monstres monopolistes, leur permettant de manipuler et d’orienter l’opinion.

Les conséquences dévastatrices de cet ordre économique, social et politique ont été accrues par ses agressives politiques néolibérales débutées dans les années 1980. La santé publique a depuis longtemps établi le lien nécessaire qui unit les maladies à leur époque, c’est-à-dire au mode de production ou manière dont sont organisées les relations économiques, sociales et politiques qui prévalent à un moment donné de l’histoire.

Il apparaît ainsi nettement qu’une conjonction de facteurs liés au mode de production capitaliste monopoliste a directement contribué à l’émergence, à la formation et à l’expansion de la pandémie, parmi lesquels toute une série de dysfonctionnements dans sa gestion. Le lien est désormais établi par l’ensemble des experts des divers domaines entre les épidémies et la destruction de la biodiversité, la déforestation, le trafic des animaux sauvages, l’élevage intensif, l’appauvrissement et la disparition des espèces et l’agrobusiness, la destruction des habitats traditionnels humains, la misère, la faim et la vulnérabilité aux maladies des populations qui s’ensuivent, la concentration des populations, la mondialisation économiques et les transports internationaux, et l’explosion des épidémies.

Ce que sachant, il conviendrait qu’on s’y préparât. Or le capital monopoliste, maître du jeu, a imposé partout l’étranglement des budgets publics qui sont les seuls garants d’une redistribution équitable de la richesse dans les secteurs sociaux et de santé, soumis désormais à la logique de la rentabilité et du profit capitaliste, source de dividendes servis aux actionnaires. On a donc procédé à de massives réductions d’impôts, à la financiarisation du plus grand nombre de secteurs possibles avec de drastiques mesures de rationalisation du travail et de réduction des coûts et les principaux sont salariaux. On a donc réduit l’emploi et les personnels, augmenté les charges de travail, délocalisé massivement pour payer moins cher… le travail! Et en ce qui concerne le matériel, afin de ne pas immobiliser du capital et de pouvoir le mettre en circulation pour qu’il produise le maximum de profit, on réduit les stocks et on fonctionne à flux tendu sur les commandes.

Je pense encore à cette remarque de l’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin, affirmant que pour réduire les coûts de la santé il faudrait fermer 200 hôpitaux en Suisse! On est ainsi dans le vrai de la maximisation du profit. On sert l’intérêt du Capital – mais où est celui des gens, de l’humain, du vivant dans ce calcul? Eh bien la pandémie est venue nous le rappeler en nous le jetant à la figure! Il n’y avait plus de masques. Plus de gel hydroalcoolique. On a failli manquer de médicaments. On manquait de tout. De place, de respirateurs, de lits, il a fallu tout réaménager. On manquait de personnel. Il a fallu travailler à flux tendu. Les gens l’ont fait, avec courage, avec abnégation, ils l’ont fait contre la pénurie, contre la fatigue, contre le manque de tout qui empêchait de soigner et qui tuait de pénurie, ils l’ont fait contre le Capital!

Et demain? Demain, on repart comme avant? On comprime les budgets et les salaires, on supprime des postes, on ferme des hôpitaux, on réduit les commandes, on rationalise et on distribue des dividendes aux actionnaires des assurances et de l’industrie pharmaceutique? Jusqu’à la prochaine fois? Il y a comme une «insoutenable légèreté du capitalisme vis-à-vis de notre santé», comme dit la sociologue Eva Illouz.

* Retraité, Genève.

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