Entre la guerre et le choléra
Qui pense, en ce moment, à la population yéménite? Déjà oublié en temps normal, ce terrain de guerre n’émeut plus personne en pleine pandémie de coronavirus. La proclamation, dimanche, de l’autonomie par les séparatistes du sud du Yémen n’apportera guère de réponse à ce que l’ONU qualifie de «pire crise humanitaire au monde». On comptabilise 233’000 morts en plus des dizaines de milliers de civils tués ou blessés dans les combats et des 3 millions de déplacés.
La semaine dernière, des inondations meurtrières à Aden ont provoqué des coupures d’électricité et d’eau. De quoi aggraver encore la situation sanitaire du Yémen, où 16 millions de personnes souffrent de la faim, où dengue, paludisme et choléra sévissent et où un premier cas de Covid-19 a été repéré.
Depuis six ans, le pays subit tant les exactions des armées séparatistes et de la coalition gouvernementale que des groupes armés Al-Qaïda et Etat islamique, dont la présence s’avère un excellent prétexte pour que l’Arabie saoudite agisse avec l’aval des Etats-Unis. «Toutes les parties ont agi au mépris total de la vie des civils ces dernières années», notent les observateurs de l’ONU. Les bombardements aériens se poursuivent sans relâche, menés par la coalition dominée par l’Arabie saoudite qui utilise des armes d’origine étasuniennes, françaises, britanniques et avec qui la Suisse commerce parfois.
Que peuvent donc les appels onusiens au cessez-le-feu face à ce conflit aux fronts multiples? Apparemment très peu. Le terrain est sensible. Il s’y livre une guerre par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Iran: la première soutient la coalition yéménite à tendance sunnite et le second ne manque pas une occasion de se présenter en leader des Chiites – ici les Houthis, au nord du pays – face à l’Arabie saoudite. A noter que l’argument religieux est surtout un ciment pour sceller les alliances et inimitiés préexistantes.
Seule une désescalade militaire permettra d’alléger les souffrances de la population et de lui offrir un accès minimal aux soins de base. Comment y prétendre, si la communauté internationale ne sait que fermer les yeux sur ce conflit et compter les revenus liés à la vente de ses armes?