Édito

Oreiller de paresse sur les yeux

Oreiller de paresse sur les yeux
KEYSTONE/IMAGE D'ILLUSTRATION
Coronavirus

Après deux mois de la pire pandémie du siècle, les autorités suisses n’ont aucune idée d’où se transmet le coronavirus! L’enquête que nous publions aujourd’hui sur la contagiosité au travail a de quoi inquiéter. Alors que des milliers de travailleurs sont appelés à retourner bientôt sur leurs lieux d’emploi – ou d’y poursuivre leur tâche –, pas plus la Confédération que les cantons ne sont en mesure d’identifier les risques encourus dans les fabriques, magasins et autres moyens de transports.

Que plus du tiers des (rares) contrôles effectués à Genève par l’Inspection du travail aient débouché sur une contravention pour des violations aux normes de prévention ne semble pas émouvoir son ministre de tutelle. Pour Mauro Poggia, il serait carrément impossible de faire la lumière sur le sujet. L’Office fédéral de la santé publique est encore plus direct: «L’important», selon son porte-parole, ne serait pas «de savoir si l’infection s’est faite sur le lieu de travail, mais de protéger les personnes à risque, notamment les plus de 65 ans, qui ne travaillent souvent plus». Mais alors, pourquoi avoir confiné jusque-là presque toute la population? Pas de doute, la chasse aux «paresseux» initiée dimanche par Guy Parmelin est bel et bien ouverte!

Devant tant de mauvaise foi, impossible de ne pas penser qu’il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. S’il apparaissait, en effet, que livreurs, caissières et autres ouvriers confinés à l’atelier ou sur les chantiers étaient surreprésentés dans les chambres d’hôpital, le discours lénifiant et pseudo-solidaire des autorités serait balayé. Et la reprise devrait être conditionnée à de vraies garanties sanitaires que le patronat et la majorité bourgeoise ne sont pas prêts à concéder.
Sans même crier au complot, le désintérêt de l’Etat – et des chercheurs – pour la dimension sociale de l’épidémie augure mal de ce que ceux-ci seront capables de concocter pour essayer de nous sortir de cette galère.

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