Édito

Poudre aux yeux et larmes de crocodiles

Poudre aux yeux et larmes de crocodiles
Le Conseil fédéral a minorisé Simonetta Sommaruga. KEYSTONE
aide à la presse

La semaine dernière, le Conseil fédéral a minorisé Simonetta Sommaruga. La cheffe du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) avait dans sa besace un projet d’aide d’urgence au secteur des médias, mis sur la paille par l’épidémie du Covid-19. Les explications quant au pourquoi de ce refus ne manquent pas de piquant. Comme l’a révélé un article de la Wochenzeitung1>«Missglückte Rettung», WOZ du 9 avril, p.5, l’incroyable arrogance des grands éditeurs a provoqué un rejet de ce plan par les représentants du bloc bourgeois au sein de l’exécutif fédéral.

Ces grands groupes – Tamedia, devenu TX Group, Ringier et NZZ – ont choisi de verser des dividendes à leurs actionnaires: 37 millions pour les premiers! Ceci sans rechigner à faire appel au chômage partiel pour les travailleurs de leurs titres.

Socialiser les pertes, privatiser les bénéfices. La martingale du capitalisme débridé sert de colonne vertébrale idéologique à la Suisse SA. Dans ce cas, la ficelle était sans doute un peu grosse. Résultat, les petits éditeurs paieront les pots cassés, eux qui n’ont pas les reins assez solides pour encaisser la chute des revenus publicitaires dans un marché déjà exsangue. La concentration de l’outil de production point, autre constante des grandes crises du passé.

Et tant pis pour la diversité des titres, garante de la pluralité des opinions et constitutive du bon fonctionnement de la démocratie. On l’avait déjà vu lors de la votation de «No Billag», où Tamedia avait attaqué le service public audiovisuel… juste avant de racheter son principal concurrent, l’agence d’affermage Goldbach qui contrôle le marché des fenêtres publicitaires.

Consternant. Seuls comptent les gros sous, le bien-être des actionnaires et la sacro-sainte rentabilité, à deux chiffres si possible. Que cette vision étriquée du monde et dont on mesure ces jours-ci les limites criantes servent de boussole idéologiques à une large majorité du gouvernement suisse laisse bien mal augurer de la manière dont le déconfinement sera mené et quelles seront les priorités qui guideront ce processus.

Il s’agira de ne pas se laisser intimider par le chantage au civisme et à l’intérêt collectif que d’aucuns ne manqueront pas de mettre en avant. Cela porte un nom: poudre aux yeux et larmes de crocodiles.

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