Vaud

Ouvriers forcés à travailler

Les chantiers restent ouverts malgré l’impossibilité de respecter les consignes sanitaires. Les travailleurs sont inquiets.
Ouvriers forcés à travailler
Les distances de sécurité ne peuvent être tenues, alors que les tâches s'accomplissent souvent à plusieurs et de manière rapprochée. KEYSTONE - PHOTO PRETEXTE
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L’inquiétude monte sur les chantiers, où se côtoient parfois une centaine de travailleurs. Syndicats et entrepreneurs avertissent: les consignes sanitaires sont quasiment impossibles à tenir.

Les travailleurs se sentent abandonnés. Un agent de sécurité, employé sur un grand chantier du canton témoigne: «Ici, une centaine d’ouvriers se côtoient. Mon métier est de garantir leur sécurité et leur santé. Mais dans ces conditions, c’est impossible. Je me sens impuissant». Les distances de sécurité ne peuvent être tenues, alors que les tâches s’accomplissent souvent à plusieurs et de manière rapprochée. Pour tirer des câbles, il faut être au moins deux, idem pour monter un tableau électrique. L’agent de sécurité a reçu la consigne, depuis peu, de prendre la température des travailleurs. «J’ai renvoyé chez eux des gens malades. Mais c’est trop tard, ils ont déjà été en contact avec les autres», relève-t-il.

Sur le chantier, le savon est disponible, mais pas le gel désinfectant. Aucune consigne n’est donnée aux ouvriers sur la fréquence à laquelle se laver les mains. L’agent de sécurité tire la sonnette d’alarme sur des conditions de travail qu’il juge inadmissibles. «Personne n’est ici par choix, nous sommes forcés de travailler. Les ouvriers se sentent traités comme s’ils n’avaient pas de valeur. Un chantier, ce n’est pas vital comme un magasin d’alimentation.»

Travailleurs malades

Lundi, Unia appelait les entreprises qui ne mettent pas en œuvre les mesures de protection de la santé – notamment dans la construction ou le commerce de détail – à suspendre le travail en garantissant le plein salaire. Le syndicat demande au Seco d’assurer que les entreprises puissent régler les coûts salariaux via l’assurance de chômage partiel. Dans le canton de Vaud, c’est l’Association romande des travailleurs-ses de l’installation électrique (ART-IE) qui a appelé à la fermeture immédiate de tous les grands chantiers du canton. «Rien que mardi, nous avons reçu une centaine d’appels de travailleurs inquiets», relève Laurent Tettamanti, secrétaire syndical.

Le syndicat est particulièrement préoccupé par la situation de trois grands chantiers du canton, dont la construction du nouveau campus de l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL) et celle du futur siège de l’ECA-Vaud à la Blécherette, sur les hauts de Lausanne. «Sur ces chantiers, il y a eu des cas de gens malades avec des symptômes et les travailleurs ont peur. Nous avons demandé une fermeture immédiate au Service de l’emploi», indique le syndicaliste.

De son côté, l’EHL n’avait pas, mardi après-midi, l’intention de fermer le chantier. Elle nous indique avoir intégré «six mesure de précautions», concernant la limitation du nombre d’ouvriers dans une pièce fermée ou encore la restauration. «Chaque entreprise est en outre tenue d’appliquer les recommandations propres à ses activités», souligne Maxime Medina, responsable du développement des infrastructures, qui affirme ne pas connaître le nombre exact de travailleurs actifs sur le chantier.

A-t-il été informé que certains étaient malades? «Des entreprises nous ont annoncé que certains employés n’ont pas pu venir. Elles n’ont pas à nous dire s’ils sont malades. Nous nous occupons de nos employés et étudiants, les travailleurs du chantier ne sont pas nos employés», répond-il.

Décision politique attendue

La Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE) constate que les directives sanitaires sont «compliquées» à appliquer dans la construction. Notamment lors des transports du dépôt aux chantiers, où les ouvriers se trouvent à trois ou cinq dans une camionnette. La faitière appelle à une décision politique, cantonale et fédérale. «Si les chantiers sont arrêtés, nous n’avons pas les moyens d’indemniser les pertes de gain», note Georges Zünd, directeur.

Dans le canton de Vaud, la masse salariale dans la construction représente 120 millions de francs par mois. «Le plus pragmatique serait d’arrêter un moment et regarder l’évolution. Nous devons prendre des décisions courageuses. Oui, cela va mettre l’économie à genoux. Mais il faudra développer de nouvelles formes de travail», juge-t-il.

Quant à Philippe Leuba, chef de l’Economie, il ne n’a pas retourné nos appels. Selon nos informations, le Conseil d’Etat a envoyé un courrier mardi à au Conseil fédéral l’exhortant à assurer une aide économique pour l’arrêt d’activité de secteurs économiques où les mesures sanitaires ne peuvent être garanties. Unia Vaud met aussi la pression dans le secteur de l’industrie en demandant à toutes les entreprises horlogère de la Vallée de Joux de fermer pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

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