Une féminisation en dents de scie
Il n’est pas peu fier, le Grand Conseil zurichois: avec l’arrivée de trois nouvelles députées, il peut désormais se targuer d’être «le premier de Suisse à dépasser la proportion de 40% de femmes». Mais cette évolution est contrastée par l’augmentation, dans le même temps, du nombre de cantons, dont Uri dès dimanche, dont l’exécutif est complètement masculin. Pour Sarah Bütikofer, politologue à l’Université de Zurich, ce n’est pas forcément contradictoire.
La campagne «Helvetia appelle» avait, en 2019, porté ses fruits: au Conseil national, la proportion de parlementaires féminines a fait un bond de 32 à 42%, au Conseil des Etats de 15,2 à 26,1%. Dans les cantons, la moyenne pour les vingt-six Grands Conseils est de 29,2%.
Les trois nouvelles assermentées zurichoises, entrées en fonction il y a dix jours, ne changent pas grand-chose à la moyenne nationale. Il s’agit de deux écologistes et d’une PLR. «Cette progression est une bonne nouvelle, non pas parce que le nombre de femmes augmente en soi, mais parce que tous les partis comptent davantage d’élues», commente Sarah Bütikofer.
Que des hommes
Mais, l’image est différente dans les exécutifs cantonaux, élus au système majoritaire. Depuis 1999, la part totale des femmes dans les Conseils d’Etat n’est passée que de 21,3% à 24,7%. Ce dimanche, qui est, ironie de l’histoire, la Journée des femmes, le canton d’Uri deviendra le sixième de Suisse avec un Conseil d’Etat entièrement masculin. Les partis ne présentent que des hommes pour briguer les sept sièges, dont deux laissés vacants par Heidi Z’graggen (pdc), élue au Conseil des Etats, et par Barbara Bär (plr). Uri rejoint ainsi Argovie, le Tessin, Lucerne, les Grisons et Appenzell Rhodes-Extérieures. Il n’y avait plus eu autant de cantons «dirigés», à l’exécutif, seulement par des hommes depuis 2006.
La succession d’Heidi Z’graggen, qui a siégé 16 ans à l’Exécutif uranais, «n’a manifestement pas été préparée», note Sarah Bütikofer. Pas plus que celle de la libérale-radicale. «Cela montre que les partis ne peuvent pas se reposer après l’élection d’une ou de plusieurs femmes», ajoute-t-elle. Le temps où «un parti dominant était quasi sûr que son candidat ou sa candidate serait élu dans un scrutin majoritaire» est révolu.
Expérience et notoriété
Pour Sarah Bütikofer, la progression des femmes dans les législatifs et le recul dans les exécutifs «n’est pas forcément contradictoire». Une candidature à un Conseil d’Etat n’est possible que si la personne a de l’expérience communale par exemple et un degré de notoriété suffisant pour un suffrage majoritaire. Cela prend du temps. Ces critères valent évidemment tant pour les hommes que pour les femmes, «mais le réservoir de candidates est plus petit dans certains partis de droite et du centre où, en revanche, celui des hommes attendant leur heure est plus grand.»
Ce dimanche, outre les Uranais, les Saint-Gallois renouvellent également leurs autorités. La socialiste Heidi Hanselmann, unique femme actuellement au gouvernement, ne se représente pas, pas plus que deux de ses collègues masculins. Trois femmes figurent parmi les dix prétendants. Les Saint-Gallois auront aussi l’occasion de relever la présence féminine au Grand Conseil, actuellement une des plus basses du pays avec 20,8%.
L’exemple thurgovien
Thurgovie, où les élections cantonales ont lieu le 15 mars, fait figure d’exception en Suisse orientale. Depuis 2012, le Conseil d’Etat compte une majorité de femmes (trois sur cinq). «L’élection de l’UDC Monika Knill, en 2008 et qui est très appréciée, a ouvert les portes», explique Sarah Bütikofer. «La démocrate-chrétienne Carmen Haag a également été élue très jeune. La députation thurgovienne à Berne est en outre parfaitement équilibrée: trois femmes et trois hommes au Conseil national, un homme et une femme aux Etats.»
Quoi qu’il advienne, Uri, Saint-Gall et Thurgovie auront toutefois bien de la peine à égaler Vaud et Berne qui caracolent en tête des statistiques avec, respectivement, cinq et quatre femmes sur sept ministres. LA LIBERTÉ