Édito

Le risque d’un vote identitaire

Le risque d’un vote identitaire
La machine à propagande risque de se mettre en route avec des arguments sécuritaires pour convaincre d’ici au 27 septembre, date probable du scrutin. KEYSTONE
Avions de combat

Les Suisses voteront sur les nouveaux avions de combat. Quelque 53 000 signatures – voire 60 000 selon les référendaires, le Groupe pour une Suisse sans armée et les partis de gauche – ont d’ores et déjà été récoltées. Ceci alors que le délai pour la récolte des paraphes court jusqu’au 9 avril.

Ce succès est réjouissant, tant ce projet semble contraire au bon sens. En termes de timing, tout d’abord. En 2014, une majorité de Suisses a refusé de dépenser 3,1 milliards pour des Gripen; cinq ans plus tard, le Parlement fédéral n’a vu aucune objection à prévoir une dépense de 6 milliards pour un projet similaire. Du quitte ou double?

Pour des raisons démocratiques, ensuite. Lors du précédent vote, le Souverain s’est prononcé contre un type d’avions, les Gripen en l’occurrence. Qu’à cela ne tienne: l’armée demande aujourd’hui un chèque en blanc. Avec, enfin, le retour d’une question lancinante: quelle est l’utilité réelle de cet équipement guère adapté à la topographie et au territoire exigu de la Suisse?

Vote de 1993

En cela, la salutaire méfiance que manifestent les Suisses est de bon augure. Mais gardons à l’esprit le vote de 1993 sur les F/A-18. Le Groupe pour une Suisse sans armée avait récolté un demi-million de voix pour son initiative contre les avions de combat. Le tout en un temps record – un mois! Mais il avait été défait dans les urnes. Alors qu’en 1989, lors du vote de son initiative pour une Suisse sans armée, il avait pu compter sur l’effet positif de l’effondrement du bloc soviétique, le scrutin de 1993 se déroulait sur fond de guerre des Balkans.

Gageons que la machine à propagande va se mettre en route avec des arguments sécuritaires similaires pour convaincre d’ici au 27 septembre, date probable du scrutin, une population généralement priée de faire plus avec moins… sauf lorsqu’il s’agit d’apaiser les fantasmes guerriers de l’armée suisse.

Car derrière cet achat, il y a surtout une certaine quête identitaire de suissitude déjà repérée par Max Frisch en 1989 dans sa Suisse sans armée? Un palabre. «C’est nous, ça», dit l’un de ses personnages au passage des bruyants avions. Un mélange de fierté et d’émotion nationaliste qui ne laisse guère de place à la rationalité. Il conviendra de s’en souvenir.

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