L’avenir est à ce prix
L’année qui s’achève aura été agitée sur le plan social, en Suisse et dans le monde. Des millions de personnes sont descendues dans la rue. Pour le climat et contre les discriminations imposées aux femmes, en Suisse. Contre l’injustice fiscale et pour des retraites dignes, en France. Pour des droits démocratiques et la justice sociale, au Chili, en Iran ou en Algérie.
Des mouvements qui portent en eux certaines constantes. Notamment le refus des inégalités qui se creusent au profit des plus nantis. On a pu ironiser sur le refus des hausses des prix des carburants par les gilets jaunes; très vite, il est apparu que ce qui était attaqué, c’était bien l’injustice consistant à baisser la taxation des grandes fortunes et à reporter cette charge sur les petites gens.
Et l’on entend parfois des critiques politiques sur le caractère purement résistant et insuffisamment prospectif de ces mouvements. On rétorquera d’abord que cela n’est pas forcément un tort. L’essayiste Walter Benjamin avait déjà théorisé au début de la Seconde Guerre mondiale dans ses Thèses sur le concept d’histoire cet enjeu propre au mouvement révolutionnaire. A ce dernier est aussi imputé un rôle de frein d’urgence permettant d’éviter certaines catastrophes.
Mais imaginer d’autres possibles est bien sûr nécessaire. Ne serait-ce qu’en termes de futurs à même de créer des dynamiques sociales porteuses de changement. La question est aussi ancienne que le mouvement social. C’est bien à une crise systémique et institutionnelle que l’on assiste. La croissance exponentielle porte en elle les germes de sa destruction. Ce qui ne signifie pas que tout est écrit. Le capitalisme a, de manière constante, montré son immense plasticité, sa capacité à s’adapter à des conditions historiques changeantes.
Mais les mouvements sociaux nous tracent des pistes: face aux dictateurs et autres démagogues qui s’imposent trop souvent, ils mettent en avant le besoin de davantage de démocratie. La vague violette du 14 juin exige une fin des logiques patriarcales et, partant, œuvre pour l’égalité. Les jeunes qui se mobilisent pour le climat font chaud au cœur et font preuve d’une maturité dont le monde politique – arque-bouté sur le passé «quoi, une verte au Conseil fédéral, pouah!» – ferait bien de s’inspirer. Le volontarisme et le courage des mouvements sociaux en Afrique du Nord, en Asie du Sud-Est ou en Amérique du Sud est porteur de changements sur le long terme. Car c’est un bien combat sur la durée, contre un ennemi qui se défendra avec violence, qu’il s’agit de mener et de gagner. L’avenir est à ce prix.