Les libertés ne se divisent pas
Les associations qui défendent les droits des journalistes ont eu du pain sur la planche ces derniers jours. Syndicom, Impressum et même Reporters sans frontières ont multiplié les communiqués. Les militants du climat ont poussé un peu loin l’horizontalité et le politiquement correct au détriment de la liberté journalistique; la police lausannoise a cru bon parquer des photographes comme du bétail et la municipalité lausannoise n’y a rien trouvé à redire; et passons sur le cas d’un juge – mettons cela sur le dos de son inexpérience – qui a récemment censuré un dessinateur dans son prétoire.
Précisons d’abord que la gravité des fautes n’est pas comparable. Dans le cadre de la présentation d’une championne climatique au Conseil d’Etat, on est davantage en présence d’un mouvement de jeunes qui découvre les réalités institutionnelles. Il a dérapé en demandant aux journalistes présents de signer une charte qui faisait plus que cadrer leur travail. Logiquement, il s’est fait sévèrement taper sur les doigts. Dont acte. Cela fait partie de l’apprentissage de la chose publique. Le dérapage de la police lausannoise est autrement plus préoccupant. Elle entend flanquer les photographes de presse d’un rémora policier, voire regrouper les journalistes dans un espace contingenté ad hoc. Cela est tout bonnement contraire aux valeurs fondamentales de la démocratie dont la liberté de presse est un des fondements.
La manifestation n’était pas autorisée et le climat tendu, effectivement. Mais c’est au journaliste de juger à quel point il peut se rapprocher du cœur de l’action, pas aux forces de l’ordre.
Que dans un cerveau policier naisse ce genre d’inepties est déjà inquiétant. Mais que ces velléités soient ensuite soutenues par la municipalité de Lausanne laisse pantois. Celle-ci, dans un fascinant exercice de style orwellien, a en effet contesté toute atteinte à la liberté de la presse et cautionné la politique des obsédés du contrôle telle que mise en œuvre par les forces de l’ordre. Et pourtant, elle avait eu deux jours pour réfléchir.
On lui rappellera donc qu’elle doit aussi et surtout être garante des libertés publiques. Celles-ci priment les règlements et les pratiques bureaucratiques dévolus au maintien de la loi et de l’ordre. Et elles ne sont pas solubles dans le consensus mou.