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Témoignage d’un proche aidant atterré

Un système qui «fait fi de l’être humain». Désarçonné par le harcèlement administratif subi par une personne qu’il soutient en tant que proche aidant, à Genève, Léon Meynet nous a fait part de la situation: celle d’une femme gravement malade, au bénéfice d’une rente d’invalidité, assiégée par des demandes incessantes de la part des services concernés.
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Drôle et tragique histoire que celle de cette femme de 60 ans, gravement atteinte dans sa santé depuis deux ans et sous assistance respiratoire permanente depuis une année. Au bénéfice d’une assurance-invalidité de 1670 francs, elle disposait d’aides complémentaires de l’Hospice général pour couvrir le coût élevé de son logement pour une personne seule, de son assurance-maladie et de quelques dépenses liées à des prestations en nature de l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD). Une solution d’hébergement dans un EMS, malgré son jeune âge, était à l’étude.

Chaque mois, elle était invitée à présenter son relevé bancaire et les justificatifs des différents paiements effectués au Centre d’action sociale de son quartier. Elle s’y rendait péniblement en transports publics, avec l’aide des bonnes volontés disponibles et de son indispensable déambulateur. Chaque mois, on lui demandait de nouveaux documents tels que son acte de mariage et le jugement complet de son divorce. Bien que cette dame réside de longue date à Genève, ces documents, établis en Suisse alémanique (Uster et Zurich), étaient libellés en allemand. Il lui a été demandé d’en faire la traduction car il n’appartenait pas aux services sociaux de faire ce travail.

Les aides complémentaires lui permettaient d’avoir recours à des soins infirmiers à domicile, à une femme de ménage et à une personne chargée d’effectuer ses achats alimentaires et d’entretien une fois par semaine. De surcroît, elle bénéficiait de repas à domicile cinq jours par semaine. Au mois de juillet, ces soutiens financiers complémentaires lui ont été retirés. Elle ne peut alors plus payer son loyer et se retrouve, malade et alitée à domicile, dans la crainte d’être expulsée. Elle renonce successivement aux livraisons de repas et aux prestations pour le ménage et les courses. A son retour d’une semaine d’hospitalisation en urgence, les soins infirmiers à domicile deviennent quotidiens. Elle doit en assurer le coût avec sa seule rente AI. Cette instance n’a pas retenu le niveau d’impotence de son cas.

Elle trouve un refuge provisoire chez un ami pris de compassion. Elle passe ses journées quasiment alitée, ponctuées de séjours aux HUG. Néanmoins avec l’accord de sa pneumologue et de son médecin traitant et avec l’aide de la Ligue pulmonaire suisse, elle peut envisager, fin septembre, un bref séjour à Lugano (4 jours) pour fêter son anniversaire. Elle s’y rendra accompagnée de son proche aidant qui effectue le déplacement en voiture avec toutes les précautions prises pour assurer sa maintenance sous oxygène (deux arrêts à Viège pour remplir sa bonbonne portable).

Peu avant son départ, lueur d’espoir, elle apprend par son assistante sociale que le Service des prestations complémentaires (SPC) peut lui venir en aide pour contribuer au minimum vital qui lui permettrait de faire face aux prestations. Mais elle doit vite déchanter car la commission du Service veut la rencontrer d’urgence le 26 septembre, alors que son voyage, dont l’organisation a été très contraignante, est entièrement planifié. Elle pense, comme son proche aidant, que ce déplacement sera profitable à son moral et sa santé et décide de le maintenir. Faute de rencontrer les délégués de la commission, l’assistante sociale, qui s’en fait la porte-parole, lui indique qu’elle doit transmettre dans les plus brefs délais une série d’informations, au rang desquelles: état de sa rente LPP avec décompte de sortie et justificatif du non-droit à cette rente, preuve d’absence d’inscription au Registre du commerce, déclaration nominative des personnes qui ont partagé son logement, déclaration sur l’honneur qu’elle n’a pas de bien immobilier ni bancaire au Japon (son pays d’origine qu’elle a quitté à l’âge de 20 ans), copie de tout contrat de travail sur les deux dernières années ou confirmation de son statut d’indépendante, décompte d’éventuelles indemnités journalières de l’assurance -chômage, copie de la vente d’un bien immobilier à Chardonne en 2013 et justificatifs de la diminution des avoirs depuis 2013.

Un travail de titan que seule une personne en pleine possession de ses facultés est susceptible de remplir convenablement dans un délai raisonnable, alors que pendant ce temps les urgences matérielles courent et que personne ne se préoccupe de ses besoins élémentaires immédiats. Aucun travail transversal systémique n’est entrepris entre les différents partenaires concernés pour apprécier la situation particulière de cette personne et convenir d’un soutien et d’une aide d’urgence appropriée.

Jusqu’au bout, l’administration et les aides sociales considèrent que l’administré-e, aussi malade soit-il/elle, certificats médicaux à l’appui, doit être apte à se présenter à des guichets, à rencontrer des commissions, à remplir des questionnaires et à constituer des dossiers sans qu’il soit tenu compte de son état de santé. C’est simplement affligeant, pire, monstrueux. Peut-être que dans un mois, six mois, une année, cette malheureuse personne sera à l’article de la mort mais jusqu’à cette extrémité, l’administration et ses représentants resteront droits dans leurs bottes et fidèles à un règlement aveugle qui, in fine, fait fi de l’être humain.

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