Édito

Bouillon de culture

Bouillon de culture 1
L'Amalgame, à Yverdon, fait partie du vivier des clubs romands. DR
Scène

Les salles de concerts font partie d’un écosystème fragile, mêlant culture, savoir-faire, lien social et dynamisme économique. On est loin de l’image simpliste des semelles collées dans la bière. Les associations qui les font vivre atteignent pourtant leurs limites, sommées de faire toujours mieux et plus, avec des budgets qui stagnent, voire diminuent. C’est le cas de Post Tenebras Rock (PTR) à Genève, de l’Amalgame à Yverdon et de nombreuses autres structures romandes.

Sans une culture riche, vivante, que deviendraient les centres urbains? Un alignement de cubes de béton. Les Suisses ne s’y trompent pas, qui cumulent chaque année plus de 2,2 millions d’entrées dans un lieu membre de Petzi, la fédération des clubs et festivals de musiques actuelles. Comme souvent dans l’univers capitaliste, là où le bât blesse, c’est sur le plan financier. Malgré leur rôle central dans la société, leur efficience dans la gestion et leur offre adaptée au public au vu de la fréquentation, les clubs suisses touchent peu d’aides. Dans une étude réalisée en 2016, basée sur les chiffres de la Confédération, Petzi observait que ses membres touchaient 25 millions par an en subventions, sur un budget culturel public de 2,7 milliards de francs. Soit 1% ou encore 3,10 francs par an et par habitant. Cela alors que ces mêmes membres réinjectent directement 100 millions de francs par an dans l’économie. Pour chaque franc investi, la culture alternative en rend quatre. Le monde associatif est plus productif que certains esprits chagrins ne le prétendent. Ce n’est pas pour rien que les villes encensent leur programmation artistique, connaissant leur importance en termes de brassage social, de formation professionnelle et leur attrait pour les visiteurs. Mais l’argent peine à suivre, surtout en périodes de réduction budgétaire et de cadeaux fiscaux aux entreprises.

La plupart des espaces de musiques actuelles sont chapeautés par des associations, portées à bout de bras par des bénévoles (17 400 recensés par Petzi). Si, un temps, des festivals ont pu s’organiser sur le pouce et des salles de concerts ouvrir en catimini, il faut prendre conscience de la masse d’impératifs pour ce secteur. Le public, la population, la police, les services délivrant les autorisations, les urbanistes ou encore les acteurs de la santé publique… Les tracasseries augmentent, la prise en compte du voisinage dans un contexte de pression foncière extrême exacerbe les tensions. Après en avoir tenu compte, ne reste plus qu’à organiser des concerts! La complexification des tâches a abouti à une forme de bénévolat professionnel, où les compétences déployées ne sont pas reconnues à leur juste valeur.

Combien cumulent dans ce secteur les heures non rémunérées? Combien de bénévoles pour faire tourner le bar auquel on se rend entre deux morceaux? Cette abnégation pourrait être belle, elle n’est pas tenable à long terme; la culture doit rester une vocation plutôt qu’un sacerdoce. Pour maintenir une offre diversifiée, à des prix abordables, le calcul est vite fait: les collectivités doivent soutenir ce tissu économique qui le leur rendra au quadruple.

Opinions Édito Laura Drompt Scène

Connexion