Il faut stopper Erdogan
Les Kurdes de Syrie ont commencé à payer le prix de la trahison de l’Occident. Une pluie de bombes s’est abattue mercredi après-midi sur les villes frontière, précédant de peu une offensive terrestre de l’armée turque et de ses alliés islamistes de Syrie. Le macabre décompte des victimes peut débuter. On imagine l’effroi qui a saisi les habitants du Rojava déjà durement éprouvés par plusieurs années de guerre contre les djihadistes.
Le tweet dominical de Donald Trump avait annoncé la trahison ultime des Etats-Unis. Mais l’offensive turque répond à une logique plus profonde. A force de voir l’Union européenne lui manger dans la main, à force de jouer sans trop de heurts la balance géopolitique entre Moscou et Washington au gré de l’opportunisme des deux grandes puissances, Recep Tayyip Erdogan a des raisons de se sentir intouchable. Lorsqu’en 2015 et 2016, il faisait massacrer sa propre population dans les villes kurdes de Cizre, Nusaybin, Silopi ou Sur, le silence était de plomb.
L’offensive débutée hier, le sultan l’annonce de longue date, sans provoquer de réaction ferme des Européens. La girouette Trump a bon dos: en matière d’allégeance à Ankara, les Européens sont autrement plus constants.
Il faudra pourtant stopper Erdogan. Laisser le Kurdistan syrien tomber aux mains des milices islamistes et de l’armée turque reviendrait à cautionner un crime impardonnable. A abandonner des centaines de milliers de civils, dont de très nombreux réfugiés, et des milliers de combattants de la liberté à leurs bourreaux. Ce serait également la certitude d’une guerre de longue durée entre la Turquie et sa propre minorité kurde, environ un cinquième de sa population.
Plusieurs pays européens ont réclamé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Le signe d’un sursaut? L’espoir d’un cessez-le-feu rapide? Ou des jérémiades d’arrière-garde, qui cesseront dès que la Turquie aura atteint ses objectifs?
Comme souvent, la superpuissance étasunienne détient les cartes maîtresses. Et Donald Trump n’en est pas à son premier virage intempestif. S’il a donné son feu vert à Erdogan, le républicain se retrouve coincé entre les interventionnistes et les isolationnistes de son propre parti. Hier, le premier camp s’indignait bruyamment. Exerçant une pression redoutable pour un président déjà affaibli par le dossier ukrainien.
Il faudra qu’elle pèse aussi sur les dirigeants européens. La solidarité avec le Rojava doit devenir une priorité du mouvement social et des consciences.