Le masque d’Eric Zemmour était tombé depuis longtemps. Mais sa dernière condamnation en justice pour provocation à la haine raciale le 20 septembre dernier et son discours d’une violence inouïe diffusé en direct sur la chaîne LCI huit jours plus tard ont achevé de dévoiler la nature de ses propos dans toute leur crudité: islamophobes obsessifs, paranoïaques, ultra nationalistes, bellicistes et nostalgiques d’une pureté identitaire fantasmée.

L’homme ayant franchi toutes les lignes rouges définies par la loi, il ne devrait logiquement plus avoir pignon sur rue dans les médias. Or, si RTL a réagi en mettant le repris de justice à la porte (sans exclure de l’inviter dans ses programmes), Le Figaro, LCI et d’autres continuent leur collaboration étroite avec lui. Quatre jours après la condamnation pénale du «chroniqueur» et «polémiste», CNews n’a pas trouvé meilleure idée que de lui offrir une place de choix à l’antenne tous les jours à 19h! Espérons que le tollé provoqué par son discours du 28 septembre remettra en cause ces tribunes nauséabondes.

Pour l’heure en France (mais pas seulement), le racisme contre les musulmans est largement toléré. A contrario, les discours antisémites sont considérés à raison comme inacceptables et devant être censurés dans les médias et dans l’espace public. On n’imagine même plus inviter un Soral ou un Dieudonné sur un plateau de télévision. En revanche dire que l’islam est incompatible avec les valeurs de la République relèverait de la liberté d’expression.

Il s’agit pourtant de la même logique d’intolérance et de haine qui est à l’œuvre. On change juste de bouc émissaire. Une idéologie dangereuse qui peut mener – l’histoire nous l’a enseigné à maintes reprises – aux pires crimes contre l’humanité. Les propos d’Eric Zemmour sont, de manière troublante, similaires à ceux de l’antisémite Edouard Drumont à la fin du XIXème siècle, nous rappelle l’historien Gérard Noiriel dans un ouvrage publié en septembre dernier¹ Le Venin dans la plume. Edouard Drumont, Eric Zemmour et la part sombre de la République, La Découverte, sept. 2019.. Une même rhétorique, reprise en France plus tard par Maurras et d’autres, qui présente les minorités qui ont été persécutées au cours du temps comme des dominants mettant en péril l’identité de la France, qui décrète l’incompatibilité des valeurs de celles-ci avec notre mode de vie, la volonté de nous «remplacer», etc.

Des arguments qui rencontrent un écho important dans la population, parfois encline à trouver des responsables tout désignés pour les maux qui l’accablent: le chômage, la précarité, le mal-être identitaire, etc. Plus près de nous, les élucubrations de M. Zemmour ressemblent presque mot pour mot à celles d’Anders Breivik et de Brenton Barrant, les fous dangereux d’extrême droite auteurs des récents massacres de masse en Norvège et en Nouvelle Zélande. Ces tragédies nous ont démontré une nouvelle fois qu’il est urgent de contrer les discours de haine et d’exclusion. Les médias ont leur part de responsabilité.