Suisse

«J’étais venu ici pour les glaciers»

La fonte des glaciers du Mont-Miné et de Ferpècle, en Valais, montre les effets tangibles du réchauffement.
«J’étais venu ici pour les glaciers»
Les glaciers de Ferpècle (à gauche) et du Mont-Miné ont fortement reculé sous les assauts du réchauffement. Leur partie inférieure pourrait totalement disparaître d'ici à 2050. PAS
Climat

«Glacier du Mont-Miné, 1960 m.» Au bout d’un sentier de moraines bordé de lauriers de Saint-Antoine roses, un écriteau fiché dans la roche sonne comme une épitaphe. «Ce jalon montre jusqu’où allait ce glacier voici un peu moins d’un siècle», se désole Martin Beniston, climatologue. «Aujourd’hui, il a reculé de 1,5 km et la langue glaciaire s’est séparée en deux».

Au bord du lac qui s’est formé au pied des glaciers, des enfants jouent avec un seau, insouciants. Malgré ce jour d’été parfait, le scientifique grimace. Sous la partie supérieure du glacier du Mont-Miné jaillit une cascade d’eau. Elle vient s’écraser sur la partie inférieure qui s’est séparée sous les coups de boutoir du réchauffement. «Il a bien neigé cet hiver mais ce n’est pas suffisant pour combler la faille qui s’est créée», ajoute le scientifique. «Pour compenser, il faudrait une dizaine d’hivers comme celui-ci et des étés frais, comme dans les années 1950.»

Disparition du glacier

On en est loin. D’ici une trentaine d’années, la partie inférieure du glacier du Mont-Miné pourrait disparaître. Et son voisin de Ferpècle n’est pas en meilleur état: en 2015, un spectaculaire affaissement circulaire trouait sa partie principale. «En une trentaine d’années, j’ai pu constater moi-même la vitesse du retrait de ces glaciers, mais aussi de celui du Trient qui a considérablement fondu», explique M. Beniston. «Sur une épaisseur de peut-être 400 m de glace, celui du Mont-Miné en a perdu une bonne centaine!»

Cette vitesse de fonte lui a un jour joué un tour pendable. Ancien membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Martin Beniston a été contacté par la BBC pour un reportage sur ce thème il y a environ 20 ans. Il a pensé au glacier de Grindelwald qui descendait dans son souvenir jusqu’à basse altitude.

«Mais quand nous sommes arrivés sur place, à une altitude de 1600 m, il avait disparu!» se souvient le climatologue. «La journaliste a pu faire un sujet sur la rapidité du phénomène, en montrant une vallée qui, 10 ans plus tôt, était remplie de glace.»

«Entre 50% et 90% pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle» Martin Beniston

D’origine britannique et française, habitant successivement de la Turquie et de Chypre, Martin Beniston est tombé amoureux de la Suisse. A l’âge de 7 ans, il fait un vœu: il habitera ce pays parce qu’on y trouve des paysages de montagne et de glaciers d’une grande beauté. «Il n’est pas dit que la prochaine génération puisse encore les contempler, se désole-t-il. Entre 50% et 90% pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle.»

Que faire pour que les enfants d’aujourd’hui puissent admirer ces géants des cimes avec leur progéniture dans une trentaine d’années? «Des mesures urgentes analogues à l’introduction des catalyseurs pour les voitures en 1985 doivent être prises», affirme le climatologue. «Les constructeurs de voitures avaient poussé des cris d’orfraie, disant qu’adapter les véhicules était impossible. Et par la suite, cette mesure a fait école ailleurs.»

Si l’atmosphère chauffe, c’est que trop de carburants fossiles sont encore utilisés, provoquant des dégagements de CO2 importants qui contribuent à l’effet de serre. «Les énergies fossiles représentent environ trois quarts des émissions de CO2», explique le spécialiste. «Il est clair que la crise pétrolière de 1973 aurait dû être le moment pour s’en détacher mais les prix de l’or noir ont chuté dans les années qui ont suivi.»

Transcender les partis

Comment agir au niveau politique? «Les partis en Suisse ne doivent pas agir que par opportunisme en prévision des élections fédérales. Certes, la stratégie énergétique 2050 votée par le peuple en 2017 est un pas dans la bonne direction. Mais il faut que ces efforts soient durables, même si les partis politiques suisses n’ont pas une grande influence à l’échelle du climat planétaire!» A ceux qui rétorquent que la Suisse ne produit qu’un millième des émissions totales de CO2, M. Beniston répond qu’elle doit participer à l’effort global: un habitant du Bangladesh en produit 300 kg seulement alors qu’un Suisse en produit plusieurs tonnes.

«Cette exigence est si importante qu’elle devrait transcender les partis politiques», ajoute-t-il. «Ce ne sont ni l’UDC, ni le PLR ou d’autres partis politiques qui y peuvent quelque chose. En ce sens, je trouve que le mouvement lancé par Greta Thunberg a des aspects positifs. Il fait prendre conscience de l’urgence chez les jeunes qui se mettent à faire la leçon à juste titre à leurs parents. Ils ont raison: il y a urgence. On ne peut plus continuer avec des températures de 46 degrés dans le sud de la France. La banquise a fondu comme jamais.»

Surplombant les amas de rochers mis au jour par la fonte des glaces, la Dent-Blanche porte sur ses flancs des traces de neige. Pansement de flocons dérisoire face à une isotherme du zéro degré qui monte de plus en plus souvent au-delà de 4000 m d’altitude. Au bord du sentier de moraine, les lauriers de Saint-Antoine ont l’air de fleurs funéraires. Les glaciers sont bientôt morts. A moins que… LA LIBERTÉ

Que préconise votre parti pour lutter contre le réchauffement climatique?

UDC > Soutien à la production indigène et à l’énergie hydraulique

«Il faut soutenir une production alimentaire indigène et des chaînes de transformation locales pour éviter les transports inutiles et polluants. La force hydraulique doit aussi bénéficier de soutien alors que les Verts s’opposent systématiquement à son extension. Miser sur le progrès pour régler les problèmes environnementaux est aussi important. Des incitations fiscales en politique climatique doivent aussi être introduites. L’UDC s’engage pour une immigration modérée afin d’éviter que la Suisse soit complètement bétonnée et qu’elle soit étouffée par le trafic. Et elle défend l’utilisation respectueuse des ressources.»

PS > Priorité à la transition énergétique et à l’innovation

«Le PS a toujours proposé des solutions contre le réchauffement climatique. La transition énergétique doit être une priorité et il faut mettre fin aux investissements dans les combustibles fossiles. Des investissements durables doivent être faits en Suisse au lieu d’importer du pétrole. Une politique climatique engagée fera progresser les technologies innovantes, créera des emplois et reste socialement compatible. Concrètement, le PS veut une stratégie contraignante pour l’énergie solaire, l’encouragement des transports à courant renouvelable, publics, de la mobilité douce, et une place financière propre.»

PLR > Ne pas miser que sur les interdits et améliorer le recyclage

«Le PLR estime fondamental de prendre des mesures pour freiner le réchauffement climatique et adopter une politique environnementale responsable. Cette dernière ne doit pas se résumer à des interdits et des taxes. Accélérer la rénovation énergétique des bâtiments en offrant des incitations fiscales, étendre la taxe sur le CO2 aux carburants tout en améliorant la redistribution, promouvoir la gestion du recyclage, accroître la transparence du trafic aérien en indiquant les émissions de CO2 par vol, réduire l’utilisation des pesticides et interdire ceux qui sont particulièrement nocifs, sont quelques-unes des mesures préconisées par le PLR.»

PDC > Utiliser les ressources locales et taxer les billets d’avion

«En Suisse, les effets du changement climatique se font déjà sentir: étés chauds et sécheresse rendent l’agriculture alpine plus difficile. Des hivers irréguliers menacent le tourisme. Une politique environnementale efficace ne peut pas se baser que sur les interdits ou sur la seule responsabilité individuelle. Elle doit être socialement responsable. Cela passe par l’utilisation des ressources renouvelables et indigènes, des incitations efficaces pour investir dans lesdites énergies, l’assainissement des bâtiments, le respect des objectifs de l’accord de Paris avec une loi efficace sur le CO2 et notamment l’instauration d’un prélèvement sur les billets d’avion.»

VERTS > Introduire une loi sur le CO2 et renoncer aux énergies fossiles

«Il faut une loi sur le CO2 ambitieuse pour réduire d’au moins 60% les émissions en Suisse d’ici à 2030, mettre un terme à l’investissement dans les énergies fossiles (caisses de pension, banque nationale, etc.) mais aussi introduire une taxe sur les billets d’avion, promouvoir les trains de nuit. Accélérer l’assainissement énergétique des bâtiments, imposer des prescriptions écologiques ambitieuses pour les nouveaux bâtiments, réduire le trafic automobile et accélérer la sortie des énergies fossiles du parc automobile ainsi que soutenir la mobilité douce et les transports publics. Les solutions existent. Il manque juste la volonté politique.»

VERT’LIBÉRAUX > Priorité absolue à la rénovation des anciens bâtiments

«Tout d’abord, notre parti estime que notre gouvernement doit fixer un objectif clair de réduction des émissions de CO2 pour diminuer l’effet de serre. Il est clair que l’investissement et le développement des énergies renouvelables devraient être facilités, tant au niveau fiscal que des procédures juridiques. Nous nous engageons également pour une vision innovante de notre mobilité (par ex. pour le rapprochement des lieux de vie, horaires flexibles ou utilisation de véhicules électriques). De plus, l’assainissement des bâtiments, qui consomment près de la moitié de l’énergie en Suisse, doit être une priorité absolue.» PAS

Suisse Pierre-André Sieber Climat

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