Contrer les versions officielles
Dans l’édition du vendredi 9 août 2019 Le Courrier publie un article repris du Monde Diplomatique lequel, soit dit en passant, reste bientôt l’unique périodique français dont la lecture nous donne l’impression de devenir un peu plus intelligente.
Toujours est-il que cet article, qui dénonce, exemples à l’appui, les partis pris de la presse occidentale, plus particulièrement américaine, dans le traitement de l’actualité internationale tombe à point nommé. Le Courrier, dans son édition du 5 août a publié une brève nous informant que le gouvernement étasunien a pris de nouvelles sanctions contre la Russie pour la punir d’avoir cherché à empoisonner l’ancien agent double Sergueï Skripal. Or, j’attends encore que nos journaux se fendent d’un papier mettant cette affaire en parallèle avec l’assassinat, dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul, du journaliste Jamal Khashoggi.
Dans le cas de Skripal, il s’agit d’une tentative de meurtre d’un ancien agent double, donc, d’un traître. Non seulement ce dernier n’est pas mort, mais il n’est même pas prouvé que l’ordre soit venu du Kremlin; il peut aussi s’agir d’un règlement de compte entre mafieux russes. Mais supposons que le gouvernement russe soit effectivement impliqué. Toujours est-il qu’on a assisté à un déchaînement de condamnations et de sanctions avec, notamment, l’expulsion de douzaines de diplomates russes. Et voilà, que plus d’une année plus tard, Washington inflige de nouvelles sanctions économiques à la Russie en invoquant ce même prétexte.
Quant au journaliste Jamal Khashoggi qui n’était qu’un opposant modéré au régime saoudien et, en même temps, collaborateur du Washington Post (titre dont il aurait pu attendre quelque protection) il a été attiré dans un guet-apens, assassiné par un commando envoyé depuis Ryad, son cadavre dépecé et jamais retrouvé. Et pourtant, après quelques condamnations verbales, presque gênées, aucune sanction, rien. Au contraire, à l’unisson les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, continuent de ramper à plat ventre devant ce régime obscurantiste, infiniment plus rétrograde, plus meurtrier et plus liberticide que celui de Téhéran, cible de toutes les détestations. Mais que ne ferait-on pas pour pouvoir continuer à vendre des armes pour des milliards! Un moment de honte est si vite passé.
Je sais, les Etats n’ont pas de morale, contrairement à ce qu’ils prétendent, ils n’ont que des intérêts. Mais où est notre presse qui se prétend libre et indépendante, ou sont nos intellectuels pour contrer chaque fois que nécessaire les versions officielles au lieu de s’en faire de simples porte-voix?
Heidi Seray,
Genève