Climat et biais médiatiques
Les climatosceptiques sont davantage médiatisés que les scientifiques sérieux. Une étude publiée mardi dans la revue Nature Communications1>«Discrepancy in scientific authority and media visibility of climat change scientists and contraints», Nature Communication, 13 août 2019 met en évidence que les négationnistes du réchauffement climatique bénéficient d’une visibilité dans les médias de 50% plus importante que ceux qui étudient la thèse consensuelle d’un lien entre le taux de CO2 dans l’atmosphère et l’augmentation de la température moyenne du globe.
Une recherche qui met en œuvre les techniques du big data et qui se base sur quelque 100’000 publications de la presse écrite en langue anglaise. Même si l’on réduit le panel étudié à une trentaine de titres très sérieux (New York Times, Washington Post, Guardian, etc.), on aboutit à un simple équilibre. Ceci alors que le consensus sur la question dans la communauté scientifique est très important: en 2014, le GIEC l’estimait à plus de 95%; en 2018, une étude de la revue Science parlait même de 99,9%.
Les climatonégationnistes bénéficient donc d’une audience sans commune mesure avec leur poids scientifique réel. Alors, oui, le rôle du lobby pétrolier qui affourage ces milieux pour préserver ses prébendes explique une partie du phénomène. Et les médias portent aussi leur part de responsabilité. Au nom d’une pseudo-neutralité professionnelle, ils alimentent en fait un discours falsificateur. Jean-Luc Godard l’avait pressenti avec sa phrase «l’objectivité c’est cinq minutes pour Hitler, cinq minutes pour les Juifs».
Et les autorités ne sont pas en reste. Comment expliquer qu’un Claude Allègre – ex-ministre français de l’Education et de la Recherche– ait pu sévir des années et être soutenu par ses pairs, dont l’inénarrable Luc Ferry? Et, plus près de nous, il est inquiétant que de nombreux collégiens genevois en grève du climat aient reçu de la part de certains représentants du corps enseignant un texte issu des élucubrations d’un blogueur reprenant clairement les poncifs climatonégationnistes. Sans être rappelés à l’ordre: «C’est pour vous inciter à réfléchir par vous-mêmes», ont ânonné ces pédagogues à la petite semaine. Sans se rendre compte qu’au-delà de l’énervement qu’ils ont provoqué, ils ont en réalité fait preuve de suffisance à l’égard de leurs élèves. Ce genre de trucages est difficile à démonter. Il a fallu qu’un des meilleurs journalistes scientifiques de France, Sylvestre Huet, consacre un ouvrage entier aux falsifications de l’ex-ministre Claude Allègre pour que ce hâbleur cesse d’être invité sur tous les plateaux TV pour distiller sa douteuse propagande. Cela n’est pas forcément à la portée de collégiens.
Ces dérapages ne sont pas anodins. Ils ralentissent la prise de conscience et la mise en œuvre d’une politique à même de garantir un avenir à l’humanité. Fini de rire. Sans aucune crédibilité scientifique, ces discours criminels ne doivent plus se voir tendre des micros complaisants.
Notes