Diminuer la souffrance psychique
La psychanalyse fait régulièrement objet de critiques, parfois très violentes, récemment encore dans Le Courrier, qui la traitent de sectaire, de manipulatrice, de non scientifique, de culpabilisante, etc. Il ne s’agit pas de nier qu’il y ait des psychanalystes qui défendent des positions éthiques et scientifiques critiquables et qu’il arrive à la psychanalyse d’adopter des attitudes culpabilisantes à l’égard des mères et des familles. Cependant, cette image ne correspond ni à ma pratique psychanalytique, ni à celle de la grande majorité de mes collègues de la Société suisse de psychanalyse.
Dans le monde psychanalytique il y a évidemment des courants variés, contradictoires et parfois même choquants comme c’est le cas en médecine ou en psychiatrie. L’Association internationale de psychanalyse (API), dont fait partie la Société suisse de psychanalyse, regroupe environ 12 000 membres, essentiellement en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Tout en étant la plus importante et la plus ancienne société de psychanalyse, elle ne regroupe, compte tenu du sérieux de la formation qui s’étale sur une quinzaine d’années, qu’une petite partie des environ 50’000 psychanalystes dans le monde.
Le but de la psychanalyse et du travail analytique consiste à diminuer la souffrance psychique et à favoriser la créativité. Les causes des souffrances psychiques sont toujours multiples et complexes. Le terrain génétique joue un rôle indiscutable. Nous naissons avec de multiples potentialités génétiques, favorables et défavorables. Le développement psychique et les souffrances psychiques dépendant cependant aussi de la rencontre avec l’entourage. La relation mère/père bébé, particulièrement en ce qui concerne le développement psychique de l’enfant, joue un rôle aussi complexe que difficilement prévisible. La théorie et la pratique de la psychanalyse ont grandement évolué depuis Freud en accordant davantage de poids aux facteurs de l’entourage et ne réduisant plus la psychanalyse au seul complexe d’Œdipe.
La souffrance psychique s’insère dans le fonctionnement biologique du cerveau et du corps et se traduit en matière d’imagerie cérébrale, de neurotransmetteurs et d’autres paramètres biologiques. Il n’y a donc pas d’un côté le psychique et de l’autre côté le biologique. A la base, tout est biologique, un terrain qui se laisse cependant transformer par le travail relationnel, comme la psychanalyse. Le traitement médicamenteux peut être utile pour diminuer la symptomatologie, mais ne permet pas de traiter le problème de fond qui est un mélange subtil et complexe entre terrain génétique, fonctionnement psychique et facteurs psychosociaux.
Le travail psychanalytique, grâce à une meilleure compréhension du monde intérieur et un assouplissement du fonctionnement psychique, enrichit notre monde des pensées, augmente les possibles et atténue ainsi la souffrance et la tendance à la répétition. Il permet au patient de devenir davantage acteur de sa vie sachant que le vécu psychique est le résultat aussi bien de la vie psychique inconsciente que du monde extérieur perçu subjectivement.
C’est un travail à deux, entre un patient et son thérapeute. Il fait appel à l’association libre, à la copensée, à la coconstruction et au coéprouvé facilitant ainsi l’émergence de mouvements psychiques inconscients (agressivité, dépendance, amour, haine, soumission…). L’interprétation des conflits pulsionnels, la reconstruction de souvenirs enfouis et la complexification des affects permettent au patient de reexpérimenter émotionnellement certains aspects de son fonctionnement psychique pour mieux les penser. La prise en charge psychanalytique est basée sur la globalité, la complexité et la singularité de l’être humain faisant abstraction de tout jugement moral ou politique.
Dr Andreas Saurer,
membre formateur de la Société suisse de psychanalyse, Genève