Édito

La porte semblait fermée, il suffisait de la forcer

La porte semblait fermée, il suffisait de la forcer
Une mobilisation impressionnante. DR
Grève des femmes

Un mouvement impressionnant. La Suisse a viré au violet ce vendredi. La grève des femmes a été massivement suivie et soutenue. Les cortèges ont été importants – 20 000 manifestantes à Genève, 40 000 à Lausanne et Berne et 70 000 à Zurich – et les revendications très diverses.

Et maintenant? Comment bâtir sur ce mouvement social traduisant un mécontentement certain: inégalités salariales crasses, sexisme dans les entreprises et les services publics, division des tâches qui font que l’essentiel du care repose sur le dos des femmes qui se retrouvent pénalisées socialement et matériellement. Les raisons de se révolter sont nombreuses.

Et tellement ancrées dans nos rapports sociaux qu’il faudra évidemment davantage qu’une journée de mobilisation pour faire bouger les choses. La grève des femmes de 1991 avait déclenché une dynamique politique certaine. Elle avait notamment conduit à l’élection de Ruth Dreifuss au Conseil fédéral et au succès des listes femmes. Avec des avancées – le spliting et le bonus éducatif sont de vrais progrès – mais aussi des couleuvres à avaler. Ces acquis ont été obtenus au prix d’un relèvement de l’âge de la retraite.

Avec ensuite un reflux. La dynamique s’est effilochée, la grève des femmes de 1991 a peut-être clos un cycle féministe issu de Mai 68. Les années 2000 se sont ensuite inscrites dans un recul des mouvements progressistes. Celui portant la cause des femmes n’y a fait pas exception.

Jusqu’à ce renouveau de la révolution féministe qui couvait et dont l’affaire Weinstein fut l’étincelle qui mit le feu aux poudres. C’est un nouveau cycle qui a été impulsé par ce surgissement cristallisant des mécontentements divers. La grève des femmes du 14 juin s’inscrit dans un mouvement mondial contrasté. Au Nord, Me Too a peut être ébranlé l’ordre patriarcal. Mais il n’a pas permis de faire obstacle à un Donald Trump, dont les propos et le comportement inspirent le dégoût.

Dans le Sud, les dynamiques sont similaires. L’arrivée au pouvoir d’un Bolsonaro, véritable ennemi des droits, des femmes implique un renouveau des luttes. Celles-ci ne sont pas que sociétales. C’est bien une logique globale, patriarcale qui est en cause. Des jonctions seront nécessaires et possibles. Comme sur la question du climat qui pose, elle aussi, des questions transversales.

Bonne nouvelle, dans ces deux domaines, on voit une formidable mobilisation des jeunes, qui ne se laissent pas impressionner par les appels à la raison qui sont autant de tentatives de les démobiliser. Leurs priorités leur apparaissent au contraire comme plus essentielles. Et s’il faut remettre en cause nos modes de production, nos moyens de vivre et nos rapports sociaux, cela est vu comme un enrichissement mutuel et non comme une contrainte.

Vendredi, les grévistes ont ouvert une porte vers un avenir plus désirable. Il s’agit à présent de s’y engouffrer.

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