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Moins n’est pas toujours mieux!

Si les quantités de pesticides utilisés dans l’agriculture sont en diminution, le nombre et la virulence des substances employées augmentent, laissant craindre un «effet cocktail».
Suisse

Début février, l’Office fédéral de l’agriculture se réjouissait de ce que «la quantité totale de produits phytosanitaires commercialisée est en diminution depuis 2013. La baisse est particulièrement marquée pour les herbicides en général et le glyphosate en particulier.» La Suisse aurait-elle, une fois de plus, tout bon? Deux mois plus tard, une information du Conseil fédéral lui-même était cependant intitulée «Trop de produits phytosanitaires dans les petits ruisseaux». Elle signalait que «deux études (…) montrent de nouveau que les ruisseaux aux bassins versants très agricoles sont fortement pollués par les produits phytosanitaires.» Les risques ne sont pas négligeables: «Au vu des concentrations mesurées, les animaux et végétaux aquatiques y sont exposés à un risque d’effets chroniques pendant des mois et à un risque d’effets aigus pendant certaines périodes. La plupart des échantillons d’eau renfermaient plus d’une trentaine de substances actives différentes.»

Si les quantités de produits utilisés sont effectivement en diminution, leur nombre et leur virulence augmentent. Cela confirme une étude précédente de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), qui signalait avec surprise en mars 2014 que «les cours d’eau suisses contiennent tout un cocktail de pesticides. (…) Chaque échantillon contenait en moyenne 40 substances différentes. Dans 78% des échantillons, la concentration cumulée des pesticides dépassait 1 μg/l. L’exigence numérique de l’Ordonnance sur la protection des eaux a été dépassée pour 31 substances.»

Il faut cependant savoir que les limites légales sont fixées à partir d’études de toxicité de chaque substance prise isolément. Or, de plus en plus d’études et de chercheurs dénoncent les dangers du fameux «effet cocktail», qui fait que les effets des combinaisons de polluants présents à petite dose peuvent être beaucoup plus graves que la somme des effets individuels. L’OFEV le reconnaît d’ailleurs à demi-mot, en écrivant que «le danger émanant de ces mélanges de composés a été confirmé par des bio-essais et par une étude de la diversité des espèces dans les ruisseaux.» D’où sortent donc nos 7 singes, qui persistent à recommander le rejet de l’initiative «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» qui, si elle était acceptée, «aurait des conséquences préjudiciables de grande ampleur pour l’agriculture suisse, l’industrie alimentaire et la sécurité des denrées alimentaires» (sic)?

Paru dans Moins!, journal romand d’écologie politique, n°41, juin-juillet 2019.

Opinions Agora Mathieu Glayre Suisse

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