On nous écrit

Un patois vivant

Nicole Margot apporte quelques compléments d’information au sujet des patois de la Suisse romande.
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En tant que lectrice du Courrier et locutrice du patois vaudois, j’ai été heureuse de lire l’article sur le patois paru le 17 avril. Et j’aimerais compléter vos réflexions par quelques précisions.

Déjà en 1866, Louis Favrat, écrivain et botaniste vaudois préfaçait Le Glossaire du patois de la Suisse Romande du doyen Bridel par ces mots: «Au reste nos patois seront bientôt de l’histoire: ils se modifient et s’altèrent de plus en plus sous l’influence du français qui envahit peu à peu les campagnes (…) les hommes qui savent encore parler le pur et franc parler de leurs pères, sont en général des vieillards, tandis que la jeune génération, tout en comprenant l’ancien idiome, ne parle plus guère que le français.»

Alors, en regardant plutôt le verre plein, je dirais que c’est presque un miracle de constater que des Vaudois parlent encore leur patois au XXIe siècle. Et nous devons ceci à nos prédécesseurs qui ont travaillé à conserver notre patois vivant.

Il est bien normal que les patois des cantons protestants, Genève, Vaud et Neuchâtel, se portent plus mal que ceux des cantons catholiques, Valais et Fribourg. Pour de nombreuses raisons le protestantisme n’a pas été favorable aux patois: traduction de la Bible en français, venue de réfugiés huguenots qui ne parlaient pas le patois, et, pour le canton Vaud, occupation bernoise dont les élites étaient très favorables au français, etc.

Mais les Vaudois ont la chance de disposer d’un énorme matériel pour continuer de parler leur langue: de nombreux textes parus dans le Conteur Vaudois (1862-1834) et ses divers successeurs jusqu’en 1968, les enregistrements de la Radio romande, alors qu’Espace2 émettait chaque semaine dans un de nos patois, de 1952-1992. Nous disposons aussi de l’excellente grammaire de Maurice Bosshard, professeur d’ancien français à l’université de Lausanne, et du dictionnaire, qui est régulièrement mis à jour par les patoisants.

Alors, pourquoi apprendre le patois de nos jours? Pour relire ces anciens textes racontant la vie vaudoise d’autrefois, pour retrouver une manière de dire et de penser bien de chez nous, mais aussi pour rencontrer d’autres patoisants du Francoprovençal, en Suisse, en Italie du Nord et en France voisine. Quel enrichissement!

Et nous comptons sur les médias locaux pour nous aider en faisant paraître de temps à autre, pourquoi pas, un petit texte en patois dans leurs colonnes.

Nicole Margot, Lausanne

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