Soulagement ou surenchère?
Un vote très institutionnel: l’union sacrée du consensus a montré sa redoutable puissance. L’axe constitué par les deux magistrats fédéraux Alain Berset (chargé de l’Intérieur et des Retraites, PS) et Ueli Maurer (responsable des Finances, UDC) a vu, dimanche, deux tiers des Suisses soutenir ce projet de baisse de l’imposition du bénéfice des entreprises couplé à des promesses de financement de l’AVS. Un mariage contre nature, sans même parler de l’éminent principe de l’unité de matière.
Le parti à la rose a qualifié ce «oui» de «succès historique pour le Parti socialiste». Cela reste à démontrer. Pour l’heure, c’est surtout la droite qui peut se frotter les mains. Ce sont 4,5 milliards de francs de bénéfices qui ont été rendus au patronat. Les travailleurs, eux, n’y ont rien gagné. Une redistribution à l’envers des richesses produites.
Pis. C’est un discours libéral qui s’est imposé. Baissons les impôts, cela génèrera de la croissance et, partant, cela compensera les pertes fiscales. Un discours à la Reagan ou à la Trump. Logique, à droite. Plus problématique à gauche. En réponse à cette contradiction, le PSS annonce une initiative pour instaurer un plancher national en dessous duquel les niches fiscales ne s’appliqueraient plus. On rétorquera que c’est justement ce qu’il aurait fallu négocier dans le cadre de la RFFA; revenir maintenant avec ce seul élément sera ardu.
Deuxième aspect du vote qui doit faire relativiser le triomphalisme du PSS: la stabilisation de l’AVS est des plus provisoires. Alain Berset a d’ores et déjà annoncé que cette somme sera couverte par un rehaussement de 0,7% de TVA, impôt antisocial s’il en est. Et le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans est réclamé de manière tonitruante. Là aussi, la dynamique de résistance face à ces régressions sera plus délicate.
Une prudence certaine devrait prévaloir dans la famille socialiste. On a vu dans les pays voisins que les tentations gestionnaires de la social-démocratie pouvaient avoir un effet profondément démobilisateur. Si cela signifie perdre le vote de rattrapage sur les taux planchers annoncé par Christian Levrat, le patron des socialistes, cela ne sera pas une catastrophe. Mais l’implosion du PS français ou la sanction électorale en Allemagne montrent que des ruptures plus radicales ne sont pas à exclure.
Bref, au-delà du légitime soulagement d’avoir sauvé le soldat Berset, la surenchère verbale de dimanche du PSS était peut-être un peu surjouée.