RFFA: fuite en avant
On sent une fébrilité à Genève, où les partisans de la déclinaison cantonale de la réforme fiscale des entreprises (RFFA) redoublent d’efforts pour convaincre les sceptiques. Des figures de gauche – certaines sorties de leur retraite politique – ont défilé, faisant du prosélytisme pour le dumping fiscal. Une association caritative et un musée, nourris aux subventions publiques et aux dons privés, ont servi de caution à une opération fiscale qui réduira la capacité des collectivités publiques à, justement, soutenir leurs missions sociales ou culturelles. Choquant.
Car le retour à l’équilibre dû à «l’effet dynamique» de la baisse d’impôt tient d’un pari risqué. En réalité, les centaines de millions perdus ne seront plus là pour répondre aux défis sociaux, environnementaux, démographiques et en termes d’investissements publics. L’augmentation des subsides d’assurance-maladie est présentée comme une prétendue contrepartie sociale, mais le paradoxe saute aux yeux: alors que Genève devrait augmenter ses recettes pour répondre à ce défi parmi tant d’autres, nos autorités proposent de les sabrer.
Comme la plupart des PME ne font pas de bénéfices, elles ne profiteront pas de ce sacrifice. La baisse d’impôt sera réinvestie dans l’économie locale? Gageons qu’elle partira dans les poches d’actionnaires ou dans des investissements boursiers à l’étranger.
Personne ne conteste la fin des statuts spéciaux accordés aux multinationales. Mais faut-il remplacer cette injustice, pour ne pas dire cette forfaiture, par une nouvelle injustice? Car avec un taux de 13,99%, Genève continuerait de pratiquer une fiscalité ultra-agressive pour attirer des entreprises ne payant pas l’impôt dû dans les pays de production. Voir une partie de la gauche genevoise défendre ce modèle qui accentue les déséquilibres Nord-Sud est révoltant.
D’autant que le déséquilibre sera aussi à nos portes. Le fossé s’agrandira entre Genève et la France voisine, augmentant le flux de pendulaires, l’engorgement de la ville, la pollution. La RFFA propose-t-elle une fiscalité verte? Un développement reposant sur un tissu économique davantage local, socialement et écologiquement responsable? Non. L’absence de ces thèmes dans la campagne est révélatrice d’une véritable fuite en avant.
En cas de non, les opposants tiendront le couteau par le manche pour imposer dans les plus brefs délais une réforme fiscalement neutre. L’entreprise qui déguerpirait chez les Vaudois pour un ou deux points d’impôt en moins, malgré les coûts d’un déménagement, prouverait seulement son absence d’ancrage local.