Nanoplastiques en eaux douces
La mauvaise nouvelle, c’est la menace que font planer ces particules d’origine industrielle de moins d’une centaine voire d’une dizaine de millionièmes de millimètre sur la santé et les écosystèmes. La bonne – toute relative cependant – est qu’en présence de matières organiques et inorganiques que l’on trouve naturellement dans les lacs et les cours d’eau (composés fulviques, oxydes de fer, polysaccharides) et de différents ions (calcium et magnésium), ces nanoplastiques ont tendance à s’agréger pour former des structures plus grosses qui ont un peu plus de chances de tomber au fond et d’être piégées dans les sédiments que d’être diffusées dans la nature.
C’est ce qu’ont pu constater Serge Stoll et Olena Oriekhova, respectivement maître d’enseignement et de recherche et doctorante au Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau (Faculté des sciences de l’Université de Genève), grâce à des expériences menées en laboratoire. Les chercheurs ont étudié les mécanismes physico-chimiques influençant le destin de nanoparticules de polystyrène dans des eaux de différentes qualités. Leur article, qui est un des premiers à s’intéresser à ce phénomène dans un milieu d’eau douce, est paru dans l’édition d’Environmental Science Nano du mois de mars 2018. Cette revue de référence a d’ailleurs retenu le papier des chercheurs genevois parmi les dix contributions intégrées à sa promotion.
Chaque année, quelque 50 tonnes de matière plastique finissent dans le lac1>Selon l’étude commandée par l’ASL, seuls 10% de déchets plastiques sont évacués par le Rhône., selon une étude récente commandée par l’Association pour la sauvegarde du Léman. Par conséquent, le produit de leur dégradation s’y accumule à son tour. Ce n’est qu’une question de temps avant que, sous l’effet du rayonnement ultraviolet, des processus d’oxydation, de la température ou encore du brassage, les débris se cassent en microplastiques de quelques micromètres puis en nanoplastiques2>Les particules de taille supérieure à 5 millimètres sont appelées macroplastiques. Celles dont la taille est inférieure sont des microplastiques. En dessous de 10 microns (millièmes de mm), les particules entrent dans la catégorie des nanoplastiques..
La nocivité de ces derniers provient surtout de leur extrême petite taille qui leur permet d’être facilement absorbés par les organismes et de s’accumuler tout au long de la chaîne alimentaire.
Ces particules possèdent également une surface très réactive, notamment en raison de leur charge électrique, ce qui leur permet d’interagir fortement avec leur environnement. Cependant, en s’agrégeant avec d’autres composés, la quantité de charges se modifie et finit par neutraliser la réactivité chimique des particules.
Les additifs qui accompagnent souvent les plastiques, pour les rendre plus souples, par exemple, représentent eux aussi un danger potentiel. Ces substances se retrouvent dans les ultimes déchets des polymères ou finissent par former à leur tour des nanoparticules.
«Nous avons travaillé avec du polystyrène nano et à des doses relativement élevées qui ne se rencontrent pas dans la nature, précise Serge Stoll. Notre but est avant tout de comprendre les mécanismes et d’identifier les paramètres importants qui gouvernent le transport de ces nanoplastiques et leur élimination à travers l’agrégation. Nous étudions une composante nouvelle de l’environnement que l’homme a introduite et dont il faut désormais tenir compte.»
Notes
Paru dans Campus n°136, mars 2019, magazine de l’Université de Genève.