Édito

L’aide sacrifiée sur l’autel de la politique?

Brouillon auto 144
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis. KEYSTONE
Coopération internationale

La politisation de la coopération internationale suisse est dans l’air depuis un certain temps. Et le très à droite ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a bien marqué de son empreinte le projet d’orientations stratégiques 2021-2024. «Economie, migration, sûreté»: voila les principaux «intérêts de la Suisse» dont doit tenir compte la nouvelle politique helvétique d’aide au développement, présentée jeudi par le conseiller fédéral PLR.

La mise en consultation publique de ce programme – c’est une première – est à saluer. Mais les orientations de fond qui y figurent ont de quoi inquiéter. Quant au budget prévu de 11,37 milliards, qui ne représentent que 0,45% du Revenu national brut, loin des 0,7% préconisés par l’ONU, il reste clairement insuffisant. D’autant plus quand les comptes de la Confédération réalisent des milliards de boni. Et le fait que cette nouvelle direction soit saluée par l’UDC ne représente évidemment pas un bon signe.

Pour l’heure, les organisations actives dans l’aide internationale se montrent prudentes dans leur approche critique des nouvelles orientations et sur leur possible impact. Mais le fait qu’elles appellent à ce que la réduction de la pauvreté reste une priorité est parlant. Cet objectif de base de l’aide internationale – sa raison d’être même – ne figure en effet pas explicitement dans le texte qui promet une coopération «plus efficace», marqué par l’objectif de «contrôle» des «migrations», où il apparaît comme un mantra.

Miser sur les intérêts politiques à court terme de la Suisse – soit viser les pays qui génèrent le plus de réfugiés ou qui sont prêts à signer des accords de réadmission – est une très mauvaise stratégie. D’abord parce qu’elle risque de péjorer l’impact du travail de coopération sur le terrain à long terme dans des pays qui en ont besoin. L’aide en tant que telle ne devenant plus le véritable objectif, remplacé par le phantasme d’éradiquer les grands mouvements de population et la volonté «d’ouvrir des marchés». Et sans pour autant obtenir de résultats sur le contrôle migratoire.

Les arrivées ponctuelles en grand nombre de réfugiés venant de tels ou tels pays répondent en effet avant tout à des conflits – Syrie, Afghanistan, Kosovo avant cela –, mais la construction de la paix se fait en amont, pas en réaction. Ou sont dues à des systèmes autoritaires – comme en Erythrée –, et non à des problèmes de développement, qui eux génèrent des migrations moins massives mais plus constantes. Et qui dureront d’autant plus si on délaisse ces pays dans le but de calmer les discours populistes d’une certaine droite. Dès lors, il est essentiel de maintenir une coopération indépendante, qui s’attaque aux racines des problèmes.

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