La précaution, un principe à défendre
La fronde contre l’installation d’antennes 5G en Suisse ne cesse de grandir. Des textes demandant un moratoire sur le déploiement de cette nouvelle technologie de communication, avant d’en savoir plus sur la potentielle nocivité des effets du rayonnement qu’elle implique, ont été déposés dans plusieurs cantons. Le Grand Conseil vaudois a notamment adopté mardi une résolution allant dans ce sens. Le gouvernement lui a répondu avoir déjà décidé de retenir les dossiers relatifs aux antennes 5G, dans l’attente des directives techniques de la Confédération.
Cette décision, bien que provisoire, relève du bon sens. Il est particulièrement contradictoire de la part de Berne d’avoir attribué des concessions en février aux opérateurs alors que les résultats des études lancées par l’Office fédéral de l’environnement pour évaluer les éventuels risques ne sont pas encore connus. Ce d’autant plus que la 5G vise le développement des objets connectés, et non à répondre à un «besoin» actuel. De toute évidence, la précaution s’impose.
Malheureusement, ce principe de base, applicable aux potentiels effets sur la santé et l’environnement, est de plus en plus mis à mal sous la pression d’énormes intérêts industriels. C’est particulièrement le cas au parlement européen, où il est soumis à d’intense coups de boutoir portés par les lobbys du tabac, des pesticides, de la chimie et des hydrocarbures.
Leur dernier cheval de Troie a fait apparition en décembre dans la législation européenne. Il a été introduit en préambule du programme de recherche scientifique de l’Union, Horizon Europe, doté d’un budget de plus de 100 milliards d’euros, qui doit bientôt être adopté. Son nom? Le «principe d’innovation». Derrière ce concept vague, on retrouve le but avoué de supplanter le «principe de précaution», inscrit dans les traités européens, qui a permis de limiter jusqu’ici certains de leurs appétits, en régulant un peu le domaine des OGM, des pesticides ou des nanotechnologies.
L’imposition de ce principe, qui demande aux législateurs de prendre en compte «l’impact sur l’innovation» – autrement dit sur les marchés convoités – de chacune de leur décision, plutôt que les potentiels effets sur la santé ou l’environnement, est extrêmement inquiétante. Surtout quand on connaît la force de frappe et d’influence sur les représentants des Etats et des peuples à Bruxelles que possèdent déjà les lobbyistes des industries les plus nuisibles de la planète. Ceux-là mêmes qui n’hésitent pas à mettre les législateurs dans leur poche à coups de millions et à acheter des études pseudoscientifiques servant leur unique intérêt.