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«Délit de solidarité», un néologisme absurde

La pénalisation de la solidarité envers les migrants est symptomatique de la flambée des populismes en Europe, selon Nadia Boehlen. Amnesty International appelle au soutien du pasteur Valley, qui comparaît en justice ce jeudi à Neuchâtel pour avoir nourri et logé un Togolais menacé d’expulsion.
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En Europe, le dernier sursaut de solidarité en faveur des réfugiés aura été pour les Syriens. Et encore, endossé pour l’essentiel par l’Allemagne d’Angela Merkel. Elle en payera le prix fort. Son parti taclé par la droite nationaliste dans les Parlements régionaux, puis sa grande coalition brisée par l’entrée du parti d’extrême droite AfD au Bundestag.

Dans l’intervalle, les postures populistes se sont renforcées et étendues, légitimées par l’élection de Donald Trump à la présidence étasunienne. Que ce soit en faveur du premier ministre italien, Matteo Salvini (Ligue du Nord), du FPÖ autrichien qui gouverne en coalition avec le parti conservateur chrétien-démocrate, des démagogues autoritaires d’Europe centrale, de l’AfD allemande ou du Rassemblement national de Marine le Pen en France, un Européen sur quatre vote désormais populiste. Soit 25% de la population de toute l’Union, contre 7% il y a vingt ans, révélait cet automne une étude du Guardian1>«Revealed: one in four Europeans vote populist», The Gardian, 20 novembre 2018, accès: bit.ly/2zmOJCp.

Les politiques s’en ressentent. L’Europe a verrouillé ses frontières extérieures, réduisant le nombre de requérants d’asile à la part congrue. Ils n’étaient plus que 581 000 à demander l’asile dans l’Union en 2018, contre 1 257 000 en 2015. La Suisse a suivi la tendance: 15 255 demandes d’asile ont été déposées en 2018 (soit 15,7% de moins qu’en 2017). C’est le chiffre le plus bas enregistré depuis 2007.

Ce n’était pas assez de fermer nos frontières aux réfugiés, de les laisser mourir en mer ou se faire interner, maltraiter et expulser en Hongrie, en Croatie ou en Bulgarie. Ce n’était pas assez de les laisser végéter dans des camps d’infortune sur les îles grecques, à la suite de l’accord conclu avec la Turquie pour qu’elle retienne les candidats à l’asile venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan chez elle. Ce n’était pas assez d’alimenter le commerce des passeurs et l’esclavage en Libye, tout en faisant mine de ne pas le tolérer. Il faut maintenant s’en prendre à ceux qui viennent en aide aux exilés. Et tant pis si l’on achève à peine la réhabilitation des hommes et des femmes qui ont agi pour protéger les Juifs traqués par le régime nazi.

En France, ils s’appellent Martine Landry, Cédric Herrou, Pierre-Alain Mannoni. En Suisse, Anni Lanz, Norbert Valley ou Lisa Bosia Mirra. Tou-te-s ont été poursuivi-e-s par la justice après être venu-e-s en aide à des réfugiés ou à des migrants. Et presque tou-te-s ont été condamné-e-s à des peines pécuniaires, voire à des peines de prison avec sursis.

«Délit de solidarité», voilà l’absurde expression néologique dont on use désormais pour désigner ce dont on les accuse. Venir en aide à des déboutés de l’asile ou des migrants en situation irrégulière en les hébergeant, en les appuyant dans leurs démarches administratives ou en documentant les violations subies. Un néologisme qui n’est autre qu’un puissant syndrome de cette Europe en proie aux populismes.

Ce jeudi 11 avril, le pasteur Norbert Valley, poursuivi pour avoir apporté son aide à un requérant d’asile togolais dont la demande d’asile a été refusée, comparaîtra en justice à Neuchâtel2>Une délégation composée de militants d’Amnesty, de membres de la communauté religieuse Sant’Egidio et du Groupe de Saint-François accompagnera le pasteur Valley jusqu’au Ministère public neuchâtelois ce 11 avril. Le rendez-vous est fixé à 8h30, pl. de la Collégiale, à Neuchâtel.. L’homme fait peu de cas de sa condamnation pécuniaire, mais veut porter la cause de la solidarité envers les exilés, quitte à se rendre pour cela jusqu’à la Cour de Strasbourg.

Amnesty International le soutient dans son combat, comme les autres personnes qui viennent en aide aux exilés. En Suisse, l’organisation demande que l’article 116 de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) soit modifié de façon à ce que celles et ceux qui portent assistance à des migrants sans statut légal ne soient plus poursuivis par la justice.

Notes[+]

L’auteure est porte-parole d’Amnesty International Suisse.

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