Encore un duel gauche-droite
Figure tutélaire du Parti socialiste vaudois, Pierre-Yves Maillard quittera son siège de conseiller d’Etat début mai. Il aura passé 14 ans et demi au Gouvernement vaudois, exclusivement à la tête du Département de la santé et de l’action sociale.
Depuis le décès du dernier ministre UDC Jean-Claude Mermoud en 2011, les Vaudois ont installé, puis confirmé une majorité rose et verte au Conseil d’Etat. Ainsi, le gouvernement comprend trois sièges socialistes, un vert et trois PLR. Les trois derniers rendez-vous électoraux se sont réduits à des duels gauche-droite. Une femme du camp rose-vert contre un homme de l’UDC, appuyé par le PLR. Cependant, UDC, PLR et Vert’libéraux maintiennent, ensemble, une majorité bourgeoise au parlement.
Compromis dynamiques
L’élection complémentaire du 17 mars s’inscrit dans cette lignée. La conseillère nationale socialiste Rebecca Ruiz, 37 ans, est favorite. Elle défend le bilan de la majorité, notamment le développement des prestations sociales, surtout la limitation du poids des primes-maladie à 10% du revenu des ménages. La trentenaire s’inscrit aussi dans la poursuite des compromis dynamiques chers au tandem Broulis-Maillard, et couronnés par le plébiscite de la réforme fiscale RIE III et des contreparties sociales.
Le siège socialiste est contesté par le préfet du Gros-de-Vaud Pascal Dessauges, membre de l’UDC, âgé de 54 ans. Il appelle à stabiliser les dépenses sociales et réclame des baisses fiscales pour les ménages. Il porte l’espoir de l’UDC de retrouver un siège au Gouvernement vaudois, dans une logique de proportion: un député vaudois sur six est UDC.
Au PS vaudois, Rebecca Ruiz ne comptait aucun concurrent parmi ses camarades
Trois autres candidats, de partis aux scores marginaux, sont aussi en compétition. Le député démocrate-chrétien Axel Marion (40 ans), cadre en politique universitaire, le député de Solidarités Jean-Michel Dolivo (67 ans), avocat, ainsi qu’Anaïs Timofte (27 ans), assistante en science politique, sont sur les rangs.
Au Parti socialiste vaudois, la candidature de Rebecca Ruiz s’est imposée sans débat. La criminologue ne comptait aucun concurrent parmi ses camarades. Elle est issue de la puissante section socialiste de la capitale vaudoise. C’est aussi sous ce pavillon que Pierre-Yves Maillard a fait l’essentiel de sa carrière militante. Mais cet Olympe socialiste a été secoué en novembre par l’annonce du départ de la sénatrice Géraldine Savary, plombée par les révélations sur le financement de ses campagnes par le milliardaire Frederik Paulsen.
Favorite critiquée
Malgré ce départ, un bruit de fond défavorable aux socialistes se fait entendre. Ainsi Rebecca Ruiz a été critiquée pour ses contrats de travail à durée déterminée avec l’école vaudoise jusqu’à son entrée au Conseil national en 2014. Ministre de la formation, Cesla Amarelle rejette tout soupçon d’emplois fictifs ou de favoritisme. En janvier, l’accession de l’époux de Rebecca Ruiz, le socialiste lausannois Benoît Gaillard, à la présidence de la CGN a posé la question d’un hypothétique conflit d’intérêts. Cet ex-collaborateur personnel de la ministre PS Nuria Gorrite, a été nommé administrateur de la CGN par le Conseil d’Etat pour ses connaissances des dossiers des transports.
Même si aucune règle n’a été enfreinte, la droite alimente les soupçons. Une aubaine pour Pascal Dessauges, chargé de faire oublier les aspects les moins consensuels de son parti, dans un canton de Vaud largement hostile aux initiatives anti-Europe et anti-immigration de l’UDC. Ancien agriculteur, puis enseignant en agriculture, il se prévaut d’une neutralité politique, voire d’une certaine virginité. Il explique que sa fonction de préfet l’oblige depuis 13 ans à se mettre en réserve de son parti. Revers de la médaille: il doit combler un important déficit de notoriété. Les Vaudois ont oublié qu’il fut président du groupe PDC-UDC de l’Assemblée constituante, puis président de l’UDC Vaud, dans les années 2000.
Notable, rural et affable
Pascal Dessauges joue la carte du notable, rural et affable. Au sein de l’UDC Vaud, il s’est imposé face au chef du groupe des députés Philippe Jobin, agriculteur-viticulteur, plus connu et familier des dossiers politiques. La déconvenue de ce dernier n’est peut-être pas étrangère aux prochaines élections fédérales. Lancer Philippe Jobin dans la course au Conseil d’Etat lui aurait offert une précampagne pour Berne. D’autant que l’échec d’un candidat UDC au Conseil d’Etat, quel que soit son nom, semble programmé: le PLR ayant échoué à faire démissionner un de ses trois ministres pour provoquer une dynamique électorale plus forte, dans un scénario de double élection complémentaire.
L’approche des fédérales explique aussi la présence des trois candidatures de combat d’Axel Marion, Anaïs Timofte et Jean-Michel Dolivo. Le PDC Axel Marion est toutefois soutenu par les Vert’libéraux.
Coalition déchirée
Il y a enfin le spectacle du déchirement de la coalition au nom si cocasse d’Ensemble à gauche. Elle n’est plus composée que de Solidarités, Décroissance-Alternatives (Vevey) et Solidarité & Ecologie (Yverdon). Jean-Michel Dolivo, fort d’un demi-siècle de militantisme, représente ces trois drapeaux. Anaïs Timofte, novice en politique, défend le rouge de la bannière du Parti ouvrier populaire (POP). Lors des débats, elle compense son inexpérience par de fugaces saillies qui distraient le spectateur du ronron de la campagne.