Chroniques

Cuba et ses 60 ans de résistance

L'histoire en mouvement

Le 1er janvier 1959, Fidel Castro, Ernesto «Che» Guevara et les autres barbudos renversent la dictature de Fulgencio Batista, soutenue par les Etats-Unis. La révolution cubaine, dont nous venons de fêter le 60e anniversaire, est alors la première révolution socialiste dans l’hémisphère occidental, ouvrant ainsi la voie à une vague de mouvements luttant pour la «seconde indépendance» de l’Amérique latine.

«Si je pars, j’arrive; si j’arrive, j’entre; si j’entre, je triomphe». La lutte contre le régime de Batista débute le 26 juillet 1953 avec l’échec de l’assaut de la caserne Moncada, à Santiago de Cuba. Arrêté, Fidel prononce alors son manifeste politique, le concluant par ces phrases restées célèbres: «Condamnez-moi, peu importe. L’histoire m’absoudra!».

D’autres plans contre la dictature batistienne sont élaborés au Mexique après une amnistie, et c’est là que Fidel, son frère Raúl et d’autres rebelles sont rejoints par Ernesto «Che» Guevara, un jeune médecin argentin d’à peine 28 ans qui a été témoin des injustices profondes partout sur le continent.

Leur expédition débarque sur l’île le 2 décembre 1956, mais, alertées, les troupes de Batista les accueillent à coup de bombes et moins d’une vingtaine de guérilleros survivent. Malgré ces difficultés initiales, auxquelles s’ajoute le fait de combattre un ennemi bien plus nombreux et mieux équipé, les troupes de Castro reprennent leur combat à partir de la Sierra Maestra, située à l’est de Cuba.

Après une attaque avortée des troupes de Batista à l’été 1958, les forces de la guérilla entament leur offensive décisive sur les principales villes cubaines. La prise de Santa Clara par les unités commandées par le Che et Camilo Cienfuegos constitue sans conteste un tournant. Batista prend alors la fuite vers la République dominicaine et le triomphe de la révolution cubaine est déclaré le 1er janvier 1959.

«Désormais l’histoire devra compter avec les pauvres d’Amérique». Bien que la révolution soit alors reçue par les Etats-Unis avec une certaine ambivalence, les positions vont très vite se définir: le gouvernement cubain prend immédiatement des mesures pour nationaliser les intérêts capitalistes présents sur l’île. La réponse de Washington ne se fait pas attendre, avec l’invasion de la Baie des Cochons en avril 1961, une expédition d’exilés cubains organisée par les Etats-Unis et défaite par les forces cubaines, et le blocus, imposé en 1960 et toujours en vigueur aujourd’hui.

En dépit de cette hostilité constante, le peuple cubain a su réaliser des progrès sociaux remarquables au cours de ces six dernières décennies. Ainsi, après une vaste campagne de scolarisation, l’île a été déclarée sans analphabétisme en moins de deux ans. Dans le domaine de la santé également, les réalisations sont impressionnantes, comme en témoigne par exemple le taux de mortalité infantile le plus bas de l’hémisphère occidental.

Au-delà des réalisations propres à Cuba, la révolution a toujours été marquée par un profond et authentique internationalisme. Parmi les nombreuses missions internationalistes, le rôle de Cuba en Angola mérite d’être relevé. Dans le sillage de l’indépendance, l’arrivée de 25 000 soldats cubains en 1975 a ainsi empêché la chute du nouveau gouvernement angolais, menacé par les forces soutenues par le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud. Des années plus tard, en 1989, la victoire définitive sur l’armée sud-africaine en Angola sera un coup fatal pour le régime raciste. Au total, entre 1963 et 1991, environ 400 000 Cubain-e-s dont des combattant-e-s, médecins et collaboratrices-eurs civil-e-s ont participé à la libération de l’Afrique du joug colonial.

L’internationalisme se manifeste également sur le plan humanitaire puisque des milliers de médecins, professeur-e-s et technicien-ne-s cubain-e-s ont été déployés aux quatre coins du monde et luttent encore aujourd’hui pour que celles et ceux auxquels on a ôté leur dignité puissent la retrouver.

«Le peuple cubain occupe une place spéciale dans le cœur des peuples de l’Afrique. Les internationalistes cubains ont effectué une contribution à l’indépendance, à la liberté et à la justice en Afrique qui n’a pas d’équivalent par les principes et le désintéressement qui la caractérisent.»

Ces paroles de Nelson Mandela attestent qu’en dépit de ses contradictions et des problèmes qu’elle a pu rencontrer, la révolution cubaine a bien représenté un espoir pour les peuples de ce que l’on nommait encore le tiers-monde. A l’heure où une partie de l’Amérique latine renoue avec les spectres de ses dictatures, l’exemple du peuple cubain retrouve sans doute toute sa pertinence.

L’association L’Atelier – Histoire en mouvement, à Genève, contribue à faire vivre et à diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation des peuples opprimés, des femmes et de la classe ouvrière, par l’organisation de conférences et la valorisation d’archives graphiques, info@atelier-hem.org

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