Huile de palme contre chocolat
Johann Schneider-Ammann signera dimanche un accord de libre-échange avec l’Indonésie. Des mois durant, la Suisse l’a négocié au nom de l’AELE (Association européenne de libre-échange). Non sans difficultés.
Principal producteur mondial d’huile de palme avec la Malaisie, l’Indonésie souhaite l’exporter massivement et avec le moins de barrières douanières possible alors que ce produit est décrié de toutes parts. Ecologistes, consommateurs et paysans suisses ont crié leur refus de voir l’huile de palme inonder le marché. Que valent leurs intérêts face à ceux des industriels? Fromage, chocolats et montres seront libérés des droits de douane pour ce «marché de 260 millions de consommateurs». A ces niveaux, on ne parle pas de fromage d’alpage certifié mais d’exportation à large échelle de produits ultracalibrés pour les marchés étrangers.
En outre, le Département de l’économie serait parvenu à négocier tout un volet sur la propriété intellectuelle, qui limiterait les possibilités pour un pays d’introduire des médicaments génériques ou encore pour les paysans de replanter leurs propres semences. Au-delà des exportateurs de chocolat, notre pays reste bien le fief de la pharma et de l’agrochimie. Nestlé, Novartis et autres peuvent s’en frotter les mains.
Tandis que les familles paysannes se démènent pour écouler leurs produits à des prix respectables, misant sur le local et la durabilité, nos têtes pensantes font le jeu d’un univers globalisé voué au profit des plus grosses multinationales. Les beaux discours sur la prospérité de la Suisse ne valent rien dans un monde qui détruit ses ressources et brûle ses forêts pour produire de l’huile.
Le texte est qualifié de «moins pire que prévu» par les voix critiques (quoique son contenu demeure encore inconnu) parce qu’il prévoit non une abolition des taxes douanières sur l’huile de palme, mais un contingentement et une diminution modérée des prix. Qu’importent les retouches, le problème est lié au fond, à la façon dont la Suisse gouvernementale envisage ses relations avec le monde extérieur. En décalage total avec le principe si rationnel de consommer local, de meilleure qualité, en émettant moins de pollution. Après la signature de dimanche, le parlement devra se prononcer sur ce texte. Pour quels intérêts – industrie ou trio écologistes-consommateurs-paysans – la balance pèsera-t-elle le plus? La réponse se laisse malheureusement deviner.