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La Suisse et l’«hydre bolchevique»

Les mobilisations ouvrières en Suisse ont longtemps été considérées comme d’importation russe. La bourgeoisie suisse, jouant sur la peur du communisme, s’est attachée à propager – avec succès – cette thèse dans les années qui ont suivi la grève générale de 1918. L’Atelier-Histoire en mouvement propose une rencontre sur ce thème jeudi à Genève.
Conférence

Près d’un an jour pour jour après les commémorations de la révolution bolchevique de 1917, c’était au tour de la grève générale nationale de 1918 de fêter ses cent bougies, il y a de cela quelques semaines. Si le lien direct entre les deux évènements, en Russie et en Suisse, ne saute aujourd’hui pas forcément aux yeux, les mobilisations ouvrières qui agitèrent alors la Suisse ont pourtant longtemps été considérées comme un phénomène allogène, impulsé de l’extérieur par les ­bolcheviques.

Désireuse de jouer sur la peur du communisme, c’est principalement la bourgeoisie suisse qui s’est attachée à propager cette thèse au cours des années qui ont suivi 1918, avec succès. Heureusement, depuis au moins cinquante ans, de nombreux historiens ont démontré l’absurdité de cette relation: les causes réelles – notamment l’impact économique de la Première Guerre mondiale sur la population suisse – de la plus grande grève de l’histoire helvétique sont désormais plutôt bien documentées et personne n’a trouvé trace d’un complot fomenté en Russie.

Il ne s’agit néanmoins pas que d’une anomalie historiographique: cette lecture erronée et pourtant longtemps hégémonique de la grève nationale traduisait le fort sentiment anticommuniste qui agitait les milieux conservateurs et une bonne partie de la jeunesse bourgeoise durant les décennies qui ont suivies Octobre 1917. Un sentiment qui n’était finalement rien d’autre qu’une peur probablement justifiée de la part des puissants de l’époque, et qui s’est notamment concrétisée en 1924 à travers la fondation de l’Entente internationale anticommuniste à Genève, une sorte d’anti Komintern financé par les milieux de la banque qui coordonnaient des activités antisoviétiques sur tout le continent.

A l’heure où les mobilisations de travailleuses et travailleurs reprennent sur le sol helvétique et que la légitimité de leurs diverses luttes ne cesse d’être remise en cause par les possédants, l’Atelier-Histoire en mouvement vous invite à vous replonger à une époque où, déjà, ces derniers n’hésitaient pas à recourir aux pires calomnies pour mater toute résistance. Pour ce faire, nous serons accompagnés de deux historiens spécialistes de la question de l’anticommunisme en Suisse: Michel Caillat et Stéphanie Roulin.

L’association Atelier-Histoire en mouvement, à Genève, contribue à faire vivre et à diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation des peuples opprimés, des femmes et de la classe ouvrière, par l’organisation de conférences et la valorisation d’archives graphiques, info@atelier-hem.org

Conférence: «Un spectre hante la Suisse. La question de l’anticommunisme et de la grève générale de 1918», je. 29 novembre à 19h45 à Uni-Mail (salle MR060).

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