Sinistrés des Tattes: «Nous voulons savoir!»
Mesdames les conseillères et Messieurs les conseillers d’Etat,
Est-ce que vous vous souvenez de cette nuit de novembre 2014 où un incendie au foyer des Tattes a coûté la vie d’un jeune Erythréen et causé 40 blessés graves? Nous, oui!
La lenteur des secours et une porte bloquée ont obligé les personnes à se défenestrer pour échapper aux flammes. Une enquête a été ouverte pour identifier les responsables de cette catastrophe. Mais, en parallèle de l’enquête, les requérants qui logeaient dans le bâtiment qui a brûlé ont continué d’être soumis à des arrestations et des renvois.
Dès janvier 2015, la solidarité envers les sinistrés des Tattes s’organise: rassemblement dans la cour du foyer, création d’un collectif qui se donne le nom de «Solidarité Tattes», pétition destinée aux élus cantonaux afin d’empêcher les renvois des victimes, large mobilisation contre le renvoi d’Ayop Aziz, qui s’est fracturé le crâne et qui souffre de stress post-traumatique après avoir sauté par la fenêtre pendant l’incendie.
Quatre ans après cette tragédie, où en sommes-nous?
Où en est l’enquête?
En avril 2018, la population genevoise a appris par voie de presse que les résultats de l’enquête effectuée par deux experts judiciaires vaudois étaient accablants pour l’Etat de Genève. En effet, c’est plus de dix manquements à la sécurité qui sont répertoriés dans le rapport des experts vaudois. A quoi l’Hospice général a immédiatement rétorqué que le foyer des Tattes est à considérer comme «habitation» et non pas comme «structure d’hébergement», selon la classification de la police du feu genevoise. Ce changement de classification invaliderait les manquements dénoncés.
Pour le conseiller d’Etat Mauro Poggia, la classification des Tattes est conforme à la loi: c’est une «habitation» et pas une «structure d’hébergement». «Même si tous les hébergements collectifs comportent des risques», conclut M. Poggia. Alors: habitation ou hébergement collectif?
Quelle que soit la définition retenue, nous voulons savoir: pourquoi les secours ont tellement tardé à venir? Pourquoi la porte d’entrée du bâtiment était bloquée? Pourquoi les personnes ont dû se jeter par la fenêtre pour échapper aux flammes?
Où sont les sinistrés?
Pendant ce temps, tout ce temps, entre 2014 et 2018, comment les droits des sinistrés ont-ils été respectés, alors que certains ont fui la Suisse, d’autres se sont faits renvoyer et d’autres encore tremblent toujours de savoir si leur renvoi est pour demain – en général à 4 h du matin et encadré par des policiers? Comment l’Etat peut-il garantir qu’un jugement «juste» sera rendu, alors que plusieurs victimes ne sont plus sur le sol helvétique pour témoigner? Comment l’Etat peut-il garantir que les sinistrés seront indemnisés, alors qu’ils se font arrêter et renvoyer?
Nous voulons savoir!
L’enquête avance normalement, selon le Ministère public. Cela signifie que le rythme de la justice est toujours effrayant de lenteur et que c’est normal. Par contre, le rythme des renvois et des arrestations ne fait, quant à lui, que s’accélérer. Dans ce cas particulier, la justice ne peut pas être lente, car elle concerne une population de victimes complètement instable, justement à cause des menaces et des renvois de la part de l’Etat à son encontre. C’est pourquoi nous n’attendrons pas dix ans pour nous énerver.
Nous, membres du collectif «Solidarité Tattes», demandons au Conseil d’Etat genevois de répondre aux questions suivantes lors d’une assemblée publique ouvertes à toutes et tous, habitant-e-s des foyers et de Genève:
– Où en est l’enquête aujourd’hui?
– Quels manquements à la sécurité sont établis par cette enquête?
– Où sont les sinistrés aujourd’hui?
– Quelles mesures sont prévues pour que chaque sinistré de l’incendie puisse toucher l’indemnité à laquelle il a droit?
– Quelles démarches le Conseil d’Etat a-t-il entreprises pour que les victimes puissent rester en Suisse, du moins jusqu’à leur indemnisation?
D’ici là, nous espérons que vous, Mesdames les conseillères et Messieurs les conseillers d’Etat, ferez tout pour garantir un jugement «juste», en veillant à ce que les victimes de cet incendie ne soit ni arrêtées ni renvoyées.
Viviane Luisier et Aude Martenot pour Solidarité Tattes.
Remise de la pétition «Liberté et papiers pour Ayop» au Grand Conseil, ve. 16 nov. Rdv à 12 h, aux Canons de l’Hôtel de Ville. Grand goûter de commémoration des 4 ans de l’incendie, sa. 17 nov. à 14h au Foyer des Tattes, ch. de Poussy 1, Vernier.