Genève

La traversée du lac prend l’eau

Le projet d’autoroute lacustre ne semble plus être une priorité pour le Conseil d’Etat. Si le Conseil consultatif hésite à poursuivre ses travaux, des millions sont toujours en jeu.
La traversée du lac prend l’eau
Plus de deux ans après une votation qui avait vu le projet accepté par 63% des votants, l’horizon paraît bouché pour la traversée du lac autoroutière. JEAN-PATRICK DI SILVESTRO
Traversée du lac

Qu’elle paraît lointaine l’euphorie du 5 juin 2016, quand les partisans du projet de traversée du lac autoroutière célébraient leur large victoire en votations (près de 63% de votes favorables). Deux ans plus tard, l’horizon paraît bouché. Alors que l’Entente PLR-PDC, soutenue par la droite populiste, était à la manœuvre pour porter cette initiative devant le peuple, plus beaucoup de voix ne s’élèvent aujourd’hui pour défendre ce projet. Le Conseil d’Etat semble même avoir oublié ce dossier, qui ne fait l’objet d’aucune mention ni dans le discours de Saint-Pierre ni dans son programme de législature. Le Conseil consultatif sur la traversée du lac, chargé de définir les contours du futur ouvrage, pourrait même cesser ses travaux.

Lundi soir, Raymond Loretan, président du Conseil consultatif, s’est en effet exprimé dans ce sens au micro de Léman Bleu. «On peut regretter que le Conseil d’Etat ne montre pas son intention de mettre en œuvre la volonté populaire.» Déplorant «le manque d’enthousiasme et de foi» du ministre des Transports, Serge Dal Busco, il a poursuivi: «Aujourd’hui, notre instance se pose clairement la question d’interrompre ses travaux.» Le mandat du groupe de travail court jusqu’à fin 2019. Après avoir pris position en faveur d’un tunnel-pont-tunnel (notre article du 29 septembre 2017), il s’est penché ces derniers mois sur le tracé de l’autoroute sur la rive gauche.

Un ministre peu disponible

Une rencontre entre M. Dal Busco et le Conseil consultatif est prévue en octobre. Raymond Loretan attend «un signal». Il faut dire que les choses ont changé depuis le départ en juin de l’ancien conseiller d’Etat Luc Barthassat. Alors que le Conseil consultatif bénéficiait auparavant de l’oreille très attentive du magistrat, qui assistait à de nombreuses séances, son successeur se montre beaucoup moins disponible depuis son entrée en fonction. Le délai envisagé pour débuter les travaux est désormais repoussé à 2040.

Comment expliquer ce revirement? Les opposants au projet de traversée pointent simplement une vision plus réaliste du dossier. Alors que le projet fait face à de nombreux écueils, principalement financiers, et que la Confédération n’envisage pas de le soutenir dans l’immédiat, une construction à moyen terme est impensable. «Il n’a jamais été sérieusement question de débuter le chantier en 2025, comme le disait Luc Barthassat. Serge Dal Busco, qui a déjà géré les finances cantonales, se rend bien compte du fossé qui existe entre la volonté du gouvernement de faire des économies et le coût astronomique de la traversée du lac. Il faut être cohérent», explique Thibault Schneeberger, secrétaire d’Actif-Trafic et Solidarités.

Les opposants hésitent

Contacté, M. Dal Busco se contente d’un bref message, via son porte-parole Roland Godel. Il ne parle pas d’abandonner le projet. Il relève que le Conseil d’Etat défend un crédit d’étude de 6 millions de francs qui «doit permettre d’examiner en profondeur le projet, répondant ainsi au mandat constitutionnel confié par le peuple». Cette étude établira si le recours à un péage est envisageable, et si cette infrastructure peut être inscrite dans la planification fédérale. Deux questions épineuses qui pourraient, en cas de réponses négatives, quasiment enterrer le projet.

Du côté des opposants, face au silence du Conseil d’Etat, on hésite sur la meilleure tactique à adopter. Faut-il en parler, démontrer que l’infrastructure n’est désormais plus d’actualité, au risque de réveiller ses derniers partisans? Ou attendre une mort lente? «Ça fait longtemps que je considère ce projet comme illusoire, un outil idéologique utile à la droite pour repousser les mesures progressistes à plus tard», estime Thibault Schneeberger.

Un crédit de 24 millions

Reste que, en avril 2018, la commission des travaux du Grand Conseil a avalisé un crédit d’étude de 24 millions de francs, bien supérieur aux 6 millions réclamés par le gouvernement. Une majorité des députés demeure convaincue que la traversée se fera et devrait voter cette somme. Du gaspillage? «C’est une autorisation de dépenser, souligne Mathias Buschbeck, député des Verts. Rien n’oblige le département à tout utiliser s’il ne l’estime pas utile.» La gauche devra aussi déterminer si elle lance le référendum en cas d’adoption, avec le risque de provoquer un nouveau plébiscite populaire.

«Il faudrait une étude coûtant entre 80 et 100 millions de francs pour monter un projet acceptable par la Confédération. Il faut avoir le courage d’agir, malgré les difficultés financières, pour un projet qui verra le jour même en 2040, explique Nathalie Hardyn, présidente du Groupement transports et économie. Je regrette que cette traversée du lac ne soit plus une priorité pour le Conseil d’Etat.» Les premiers engagements pris par Serge Dal Busco, sa volonté affichée d’agir en faveur des transports publics et du report modal, indiquent toutefois que le magistrat est prêt à s’en passer. I

 

Régions Genève Eric Lecoultre Traversée du lac

Autour de l'article

Connexion