Jeux convenus
Le départ annoncé mardi par Johann Schneider-Ammann va occuper le microcosme politique pendant plusieurs semaines. De fait, l’exercice a sa part de convenu. A un PLR succèdera un autre PLR, plus certainement une PLR. L’excitation plus ou moins feinte fait partie de ce jeu de théâtre d’ombres, les rouages de l’exercice sont soigneusement huilés et les acteurs connaissent leur rôle. Ni suspens, ni surprise, ni enjeu politique ne sont au programme.
La pièce se déroulera sur fond des prochaines élections fédérales en 2019. Le PLR bénéficiera de la sorte d’une plate-forme pour défendre son programme et pourra surfer sur cette élection en termes d’image, l’adage «tout nouveau, tout beau» s’appliquant aussi au poste de conseiller fédéral. Et l’UDC en profitera pour exercer une pression convenue pour son initiative contre les juges étrangers et soumettra les candidats à cette question essentielle.
Tout cela entre gens de bonne compagnie. Avec, peut-être, un nouveau petit glissement à droite du centre de gravité du collège gouvernemental fédéral. Rappelons-nous que Johann Schneider-Amman avait été préféré en 2010 à Karin Keller-Sutter – déjà – par la gauche, car jugé plus ouvert sur les questions sociales et davantage en prise avec l’économie. En l’occurrence, la challenger fait aujourd’hui figure de favorite…
On mesure le fossé. Sur le plan personnel, la découverte que l’entreprise du magistrat utilisait allègrement l’outil de l’optimisation fiscale a jeté un froid. Le conseiller fédéral a surtout été un lobbyiste zélé de la droite économique. Ce n’est pas par hasard que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a salué le grand homme sur le départ.
Ce dernier s’est surtout distingué par sa fièvre libre-échangiste et sa propension à sacrifier l’agriculture aux intérêts du commerce suisse. Et il s’est mis les syndicats à dos. En imaginant des baisses de revenu pour les travailleurs, afin de compenser le franc fort, une trouvaille; ou en voulant sacrifier une partie des mesures d’accompagnement pour sauvegarder l’édifice des bilatérales, ce qui lui a valu un boycott de l’USS. On nous dit que l’inititiative de l’UDC contre l’immigration de masse, à la base du différend, n’était pas de sa faute; on rétorquera qu’il n’avait guère mouillé la chemise pour faire échouer ce texte populiste.
Bref, le miracle suisse que nous vend le PLR pour assurer cette succession ne fait pas rêver. Mais ce n’est pas au parlement bien sûr, dans le cadre d’une élection indirecte, que ces questions de justice sociale trouveront une vraie réponse.