Médias: quel service public?
La Société suisse de radiodiffusion (SSR) qui chapeaute les différentes télévisions et radios de service public a voté en avril la fusion entre l’Agence télégraphique suisse (ATS) et Keystone. Le tout au nom d’une vision stratégique visant à donner un avenir à l’agence de presse (et un peu pour caresser les grands éditeurs dans le sens du poil qu’ils ont lustré). Mais aussi au prix d’une sérieuse entorse à la notion de service public.
La fusion en question a laissé un quart du personnel de l’ATS sur le carreau. On ne nous fera pas croire que cela permettra de préserver la qualité et le nombre de dépêches fournies aux médias. En l’occurrence, l’Agence télégraphique suisse est bien une colonne vertébrale du dispositif d’information en Suisse. L’affaiblir, c’est affaiblir l’ensemble de la presse.
Le tout a été vendu à grand renfort de promesses d’excellence, de coopération et d’utilisation maîtrisée de nouveaux outils des médias électroniques. La vérité, c’est que les réserves de l’ATS ont été pillées par les grands groupes – Tamedia, le principal actionnaire, empoche plus de 4 millions dans l’opération – et que le tout sera transformé en centre de profit.
La notion de service public sera peut-être préservée mais uniquement pour la forme. Histoire de pouvoir rafler quelques subventions au passage. La nouvelle loi sur les médias électroniques actuellement en consultation prévoit en effet de soutenir l’agence nationale. Il se trouvera certes des politiciens isolés pour trouver un peu étrange d’engraisser des groupes multimillionnaires. Mais guère plus. L’économie des médias est un no man’s land académique et politique. Personne ou presque ne maîtrise ce domaine et les grands groupes ont quartier libre pour faire ce qu’ils veulent.
Il suffit de voir la toute-puissance de Tamedia qui a claironné mercredi déjà son refus des propositions du personnel du Matin, qui visaient à sauver la version papier du tabloïd, alors même qu’une rencontre est prévue aujourd’hui.
En cela, le soutien de la SSR à ce processus de transformation de l’agence nationale en seul centre de profit est de mauvais augure. Durant la campagne de votation sur l’initiative No Billag, les dirigeants du mastodonte médiatique ont plaidé la bouche en cœur pour le maintien de leur mission de service public.
Le vote passé, on revient à ses bonnes vieilles habitudes néolibérales. Reste à voir si cela aura laissé quelque trace dans la mémoire des votants, qui peuvent se sentir un peu trahis.