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Le drame de l’Aquarius est encore dans toutes les mémoires. Pour quelques jours en tout cas, avant que «l’actualité», cette grande lessiveuse, ne le remplace par d’autres sujets comme la Coupe du monde de football, par exemple…

Rappelons quand même qu’en ce dimanche 10 juin, l’Aquarius, un bateau de sauvetage armé par l’association française et européenne SOS Méditerranée en partenariat avec Médecins sans frontières, comptait à bord 629 rescapé-e-s – dont 281 personnes secourues par les gardes-côtes italiens. Après six opérations de sauvetage et de transbordement menées durant la nuit, sous les instructions du Centre de coordination des secours maritimes italien, le navire humanitaire avait au matin repris sa route vers le nord, dans l’attente d’un port sûr où débarquer les rescapé-e-s.

Or c’est ce même 10 juin que le nouveau ministre italien de l’Intérieur – et vice-Premier ministre – Matteo Salvini, leader de La Lega, parti fascisant, raciste et xénophobe, a décidé de fermer tous les ports de la péninsule, interdisant ainsi à l’Aquarius d’accoster, et a renvoyé à Malte la responsabilité de l’accueil des 629 réfugié-e-s et immigré-e-s accueillis à son bord. Ce que Malte a refusé à son tour.

L’Aquarius a donc dû mettre en panne à 35 milles nautiques de l’Italie et 27 milles de Malte, à court de vivres et au-delà de sa capacité maximale de 550 personnes. Gilles Simeoni, président de l’exécutif corse, a alors proposé au bateau de faire escale sur l’île mais Paris a préféré ne pas entrer en matière. Comme on le sait, c’est finalement le nouveau gouvernement «socialiste» espagnol qui a offert l’hospitalité nécessaire, avec le soutien de plusieurs maires.

Avec cette nouvelle infamie étatique, accomplie en violation de toutes les dispositions légales nationales et internationales – dont le droit de la mer, la Convention des réfugiés de 1951, celle relative aux droits de l’enfant et la CEDH –, le stade de la violence d’Etat a été dépassé pour atteindre celui de la cruauté d’Etat. Devant les barbelés et sous la vigilance des patrouilles de Frontex, il y a maintenant une machine à broyer les gens et les droits… Partout, c’est la guerre aux pauvres, nationaux et étrangers, et le triomphe des riches; une peste brune envahit le continent.

Les peuples et les pays européens traversent une période de recul historique qui les replonge dans les pires époques du XXe siècle, juste avant que la barbarie ne déploie ses «grands cimetières sous la lune». Nous savons toutes et tous ce qu’il en est advenu et il est plus que temps de se soulever. Eric Hazan, fondateur des éditions La Fabrique, a dit récemment «la colère est là, on n’attend que l’étincelle» 1>In Politis, hors-série sur Mai 68, février-mars 2018.. Je nous propose d’être l’étincelle!

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Bruno Clément est animateur en éducation populaire.

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lundi 8 janvier 2018

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