Mieux que rien
Comme pour Monnaie pleine, les partis sont divisés sur la question de la nouvelle Loi fédérale sur les jeux d’argent sur laquelle les Suisses votent ce dimanche. Si le référendum est bien parti du camps bourgeois, ce sont surtout les sections jeunes qui sont les plus réfractaires à cette législation qui entend réguler des jeux d’argent toujours plus présents sur internet pour un chiffre d’affaires considérable: on parle de 250 millions de francs par an pour le seul marché illégal.
Il est vrai que ce projet de législation ne va pas sans poser problème. Particulièrement en instaurant une forme de censure sur internet. La loi donne en effet latitude aux autorités de bloquer les sites étrangers sans concession. Voilà qui risque de donner des idées pour d’autres domaines moins problématiques et relevant de la culture ou de l’information.
Reste qu’il est tout de même difficile de mettre le poker en ligne dans le même sac que la liberté d’expression. Et surtout, peut-être que cela permettra de roder quelques instruments pour mettre fin à l’impunité criante dont disposent les géants de l’internet qui siphonnent allègrement la publicité en Suisse sans y payer le moindre impôt, causant par là même la disparition d’un titre de presse après l’autre. La Google taxe serait impossible? Alors pourquoi parvient-on à le faire dans le domaine des casinos?
Deuxième aspect: il s’agit de réguler un domaine fondamentalement immoral. Les jeux d’argent sont une forme d’aliénation dont il conviendrait de se défaire. Et là on se borne à réguler. Ce qui s’explique: comme la consommation compulsive de drogues, il est assez vain de vouloir éradiquer une telle activité. Mais on gardera toutefois à l’esprit que la prévention de l’addiction aux jeux a été traitée de manière restrictive par cette législation. C’est mieux que rien. Cela sera-t-il suffisant?
Le lobby suisse du jeu d’argent a su se faire entendre. Ce qui doit rappeler que la dernière loi –votée en 2012– avait tout de même laissé par trop la bride sur le cou des gros casinos qui avaient pu rafler la mise, notamment au bout du Léman en blackboulant l’établissement en mains publiques de la Ville de Genève avec le bienveillant soutien des autorités fédérales. La situation monopolistique de ces entreprises sera renforcée par cette législation.
Alors, certes, cela apportera quelques deniers dans les caisses de l’Etat affectés au social et à la culture. La Confédération espère quelque 50 millions supplémentaires par rapport aux 250 millions annuels que rapporte l’industrie des casinos et autres loteries. Tant mieux, même si passablement de souffrance peut se cacher derrière ces rentrées.
Enfin, dernières considération. Il convient de rester des plus méfiants par rapport à certains arguments de référendaires. Ceux-ci semblent avoir été affouragés par les multinationales du jeu. De gros sous sont en jeu.
Cette loi cadre, peut-être de manière imparfaite, un domaine où il y a urgence de régulation. Ce n’est déjà pas si mal.