«Les séries c’est industriel, les films c’est de la poésie», assénait en conférence de presse le délégué général du Festival de Cannes, à la veille de sa 71^e édition. Lui qui y avait montré la troisième saison de Twin Peaks et la seconde de Top of the Lake, signées respectivement par David Lynch et Jane Campion… Cela dit, Thierry Frémaux est dans son rôle, celui de gardien du temple du septième art. La pique paraît d’ailleurs bien fébrile, alors que le genre jouit d’un succès populaire exponentiel et d’une reconnaissance critique définitivement acquise. A l’heure aussi où Netflix se lance dans la production de longs métrages – désormais bannis du festival, faute de sortie en salles dans les délais imposés en France.

En est-on vraiment encore là en 2018, à défendre une hiérarchie entre petit et grand écran, à jouer la politique des auteurs contre celle des producteurs? Vieille querelle et débat stérile. Car à l’évidence, le cinéma est autant une industrie que la télévision; le long métrage autant un étalon commercial que la fiction sérielle déclinée en épisodes et saisons. Ce sont deux formats audiovisuels avec leurs spécificités, liées au mode de production et de diffusion. Autant comparer des pommes et des poires! On peut préférer les unes aux autres, il y aura toujours des fruits pourris ou savoureux…

Finalement, tout dépend des ambitions des créateurs – qu’ils soient cinéastes, scénaristes ou showrunners. Dans les contraintes qui lui sont propres, la série n’en est pas moins un espace ouvert aux expérimentations et à la «poésie». Quant au cinéma, est-il vraiment moins soumis aux règles de la narration? David Lynch ou Bruno Dumont (P’tit Quinquin) ont conçu leurs séries comme des films. En termes d’écriture et de mise en scène, Westworld ou The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate) démontrent des qualités «cinématographiques». Au fond, la seule différence qui compte réellement, c’est la taille de l’écran et l’expérience du spectateur. Pour que les séries égalent les films, il suffirait en somme de les projeter dans une salle obscure. Voilà sans doute pourquoi (dorénavant) Thierry Frémaux s’y refuse.