Au milieu du gué
La candidature de Jocelyne Haller pour le second tour des élections au Conseil d’Etat genevois est une surprise. Dimanche, malgré l’effondrement populiste au Grand Conseil au profit notamment des forces progressistes, la gauche radicale semblait peu encline à jouer le jeu gouvernemental. Car même en meilleure position, la gauche n’est pas majoritaire au parlement. A chaud, le discours n’avait donc pas varié: à quoi bon des ministres de gauche s’ils se voient dicter des politiques antisociales?
Mais la coalition pouvait-elle ignorer le très bon résultat de sa candidate? Pouvait-elle fermer les yeux sur l’opportunité, réelle, de dégommer le maillon faible de l’Entente, Luc Barthassat, voire d’empêcher Nathalie Fontanet d’accéder au Conseil d’Etat? Sortant de sa posture d’opposition, la gauche radicale a changé de perspective: une gauche plus forte au gouvernement a mathématiquement plus de poids pour y défendre son programme, ou même y limiter les dégâts. Voilà donc que Jocelyne Haller retrousse les manches, prête, dit-elle, à mettre les mains dans le cambouis.
L’échec des discussions en vue d’une liste commune rouge-rose-vert donne toutefois l’impression d’une candidature qui ne va pas au bout de la démarche. Comme une douche froide réveillant ceux qui, soudain, se prenaient à rêver d’un renversement de majorité, illusoire ou non.
Certes, l’impact de deux listes séparées au lieu d’une seule sera moindre puisque le bulletin unique ne dissuadera pas les électeurs verts et socialistes à cocher la candidate d’Ensemble à gauche, et vice-versa. Mais la politique n’est pas qu’une affaire de technique. Une campagne unitaire aurait insufflé une dynamique davantage conquérante et fédératrice. Pas sûr que le message lancé mardi par l’Alternative soulève autant les foules, elle qui promet de partir séparément pour faire barrage à la droite ensemble… Limpide?
Mais revenons sur terre. Les Verts et les socialistes qui accusent la gauche radicale d’avoir enclenché la machine à perdre oublient un peu vite que celle-ci n’a pas grand-chose à gagner dans l’opération, car les chances de Jocelyne Haller sont maigres. Au contraire, afficher sa bobine à côté des conseillers d’Etat de gauche sortants ayant défendu publiquement une catastrophique baisse fiscale risque de placer la formation en porte-à-faux avec son électorat. Les socialistes ont-ils oublié que certains de leurs poids lourds étaient prêts à signer pour la RIE III cantonale? Les Verts se souviennent-ils que le taux aux alentours de 13% a été posé par un certain David Hiler?
On peut donc aussi comprendre qu’Ensemble à gauche refuse de donner un blanc-seing à ses partenaires au risque d’être réduit au rôle de marchepied électoral. I