Édito

Cinquante francs qui comptent

Cinquante francs qui comptent
Manifestation contre les augmentations des primes d'assurance maladie en novembre 2017 dans les rues de Genève. KEYSTONE
Santé

Il est de retour, le fameux discours de la «responsabilisation» des assurés, sommés d’éviter «de courir chez le médecin au moindre bobo». Et avec lui, une hausse des factures à la charge de la population, évidemment. Qui sait? Il reste peut-être un peu de pulpe, pressons encore un coup pour voir. Le Conseil fédéral propose ainsi d’augmenter la franchise de base par paliers de 50 francs à mesure qu’explosent les coûts de la santé. La franchise minimale se montait à 150 francs en 1996. Elle est aujourd’hui fixée à 300 francs, et passerait donc à 350. En somme, plus les factures médicales seront salées et plus on augmentera les seuils à partir desquels les patients seront remboursés.

A défaut de parvenir à maîtriser les coûts de la santé – mission qui semble impossible pour le Conseil fédéral –, nos autorités se contentent de faire casquer la population. Une décision lourde de conséquences. Ce dont le ministre de la Santé, Alain Berset, est conscient: il avait argué devant le parlement que cette mesure ne prenait pas en compte le revenu des assurés. Il s’excuse, presque, aujourd’hui. «Légiférant à contrecœur». L’effet n’en sera pas diminué pour les patientes et les ­patients.

En Suisse, bien des personnes sont obligées de prendre des franchises élevées pour économiser sur les primes d’assurance. Certaines se font prêter de l’argent par leurs proches ou vont chercher des soins meilleur marché à l’étranger. Plus grave: d’autres renoncent ou repoussent à plus tard. Il y a quelques jours, les Centres sociaux protestants suisses (CSP) tiraient une énième fois la sonnette d’alarme: cette dernière catégorie représenterait 10 à 20% de la population. Si la franchise a plus que doublé depuis 1996, ce n’est pas le cas des salaires, qui n’ont augmenté que de 24%. L’endettement lié à la santé est par ailleurs élevé: en 2015 et 2016, trois ménages sur cinq auraient contracté des dettes liées à l’assurance-maladie, toujours selon le CSP.

Le projet du Conseil fédéral passera aux mains du parlement. Une nouvelle loin d’être rassurante, lorsqu’on sait que 20 à 30 élus fédéraux (sur 246) représentent les intérêts des caisses maladie. Moins de 10%, certes, mais dont la majorité siège dans les commissions chargées de rédiger et de préparer les lois en lien avec la santé. De quoi donner un certain élan à l’initiative lancée il y a quelques mois pour limiter la dépendance du parlement au lobby des assureurs1>stop-lobby-assureurs.ch

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