Qui veut gagner un million?
De grâce, Monsieur le conseiller d’Etat, arrêtez avec votre discours populiste, démagogue et de toute évidence pré-électoral sur les salaires des médecins! La profession de médecin est, et demeure, une profession libérale. N’en déplaise à certains – dont quelques politiciens – un médecin indépendant a même le droit de choisir s’il veut travailler à perte.
Pour ma part, il n’est pas rare que je renonce à poursuivre un patient en situation de précarité pour une facture impayée. Rebondissant sur la vague des derniers évènements, vous avez hâtivement déclaré que «210 francs/heure serait une rémunération ‘suffisante’ pour un médecin spécialiste». Vous semblez avoir un peu vite oublié que l’Ordre dont vous êtes issu, l’Ordre des avocats, a adressé le 3 octobre 2016 un recours de 14 pages au Conseil d’Etat pour refuser la baisse du tarif des nominations d’office d’un chef d’étude. L’Ordre refusait que les avocats commis d’office ne soient rémunérés que 300 francs, comme le proposait le Conseil d’Etat (au lieu de 450 francs).
Il saute aux yeux que les frais de fonctionnement de l’Etat, et conséquemment du budget de fonctionnement de la Justice, sont également financés par ces mêmes médecins spécialistes (dont ceux qui ont de «gros salaires») et qui paient comme tout le monde leurs impôts.
Pardonnez-moi l’impensable, soit d’oser comparer la situation d’un avocat (chef d’Etude!) à un celle d’un médecin spécialiste, ayant accompli au minimum dix ans de formation pré- et post-graduée.
Posons enfin la question: estimez-vous qu’un avocat mérite un salaire horaire plus élevé que celui d’un médecin? Est-il plus justifiable qu’un avocat – fût-il qualifié de ténor du Barreau – perçoive de l’Etat 450 francs/heure en assistant une personne inculpée pour excès de vitesse et autres homicides par négligence alors que le médecin spécialiste serait rémunéré à 210 francs en soignant ses victimes?
Soyons constructifs, notamment pour éviter la surconsommation médicale: mettons-nous tous autour de la table pour maîtriser les coûts de la médecine. Que le monde politique prenne aussi sa part de responsabilités!
Savez-vous seulement que le canton de Genève compte plus de 40 IRM pour 490 000 habitants? Savez-vous également que la région Rhône-Alpes voisine en possède 86, pour un bassin de population de 6,4 millions d’habitants?
Reprocher aux médecins d’utiliser les outils à leur disposition revient à reprocher à un enfant de manger des bonbons alors qu’on lui a laissé un sac rempli de friandises dans la main.
Quel homme politique osera s’aventurer sur le vrai débat de société consistant à déterminer le coût réel d’une année supplémentaire de vie d’un patient âgé? Il est vrai que le sujet n’est pas porteur, voire délicat en période électorale.
En tant que médecin, je préfère encore un système solidaire, même s’il est onéreux.
Alors cherchons tous ensemble le moyen de faire des économies en évitant les actes inutiles, en créant des forfaits pour la chirurgie ambulatoire, en exerçant un vrai contrôle sur nos caisses maladie et sur les lobbies pharmaceutiques ou encore en développant la smarter medicine par la réforme de l’enseignement des médecins en formation.
Dr Marc Saudan
* Spécialiste en chirurgie orthopédique, Genève.