Contrechamp

Débordements

L’interdiction du burkini a fait son retour dans le règlement des piscines municipales après un vote houleux du Conseil municipal en décembre. L’épisode a suscité une flambée de réactions sexistes et islamophobes sur les réseaux sociaux. Délaissant exceptionnellement le format habituel de leur chronique, Djemila Carron et Marlène C. Barbosa collaborent avec la scénographe Hélène Bessero et le Collectif Faites des vagues pour condamner une telle «dynamique d’exclusion».
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Ville de Genève

1. La goutte de trop

En décembre 2017, le Conseil municipal s’est réuni pour discuter du Règlement des installations sportives de la Ville de Genève. Ce dernier, qui venait tout juste d’être adopté en juillet, prévoyait que dans et au bord des bassins «les usagers et les usagères doivent porter une tenue décente et appropriée». Il s’agissait ainsi d’unifier les exigences des piscines municipales de Varembé et des Vernets. Le texte semblait basé sur le bon sens: à savoir que pour aller à la piscine, on porte un maillot de bain. La droite élargie en a néanmoins décidé autrement, faisant de ce Règlement – et du corps des femmes – un terrain de bataille idéologique. Les séances du Conseil municipal ont en effet été bien plus qu’une discussion ordinaire visant à réviser un règlement: c’est sur le port du burkini, ce vêtement de bain couvrant une partie des membres et de la tête, que le débat s’est concentré.

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2. Inondations

Le Règlement des installations sportives prévoit désormais que:

En plus d’établir des normes différenciées pour les hommes et les femmes, le nouveau texte proscrit certains types de tenues de bain. Il devient par exemple interdit de porter le burkini, un maillot de bain principalement porté par des femmes de confession musulmane, ou encore le t-shirt de bain, parfois utilisé par les hommes trans* portant un binder. En 2016, nous assistions, outrées, aux multiples interdictions du burkini en France, et aux interventions policières visant à exclure certaines femmes des plages. La Suisse ne fait pas exception à ce qui se joue partout ailleurs en Europe: une démultiplication des discours et actions visant à marginaliser les femmes musulmanes via des normes institutionnelles islamophobes.

Les débats du Conseil municipal sont symptomatiques de cet état d’esprit, où les oppositions classiques entre gauche et droite s’estompent. Les raisons invoquées pour s’opposer au burkini ont en commun de considérer les femmes qui le portent comme n’étant pas des sujets à part entière, tout en les traitant, en même temps, comme des agents de l’islamisme radical. Ainsi, selon le député Pierre Gauthier, «en acceptant de porter ce bout de tissu […] qui prône la haine, l’antisémitisme, la misogynie, l’homophobie, la violence et tous les archaïsmes, ces femmes se font complices de cette idéologie [islamisme]».

Une fois de plus, on parle à la place des personnes premièrement concernées, en présupposant de leurs intentions. Et pour renforcer leur discours paternaliste, des député-e-s vont jusqu’à instrumentaliser les combats de femmes musulmanes luttant pour leurs droits dans des contextes autoritaires (Iran, Arabie Saoudite, etc.). Cette ligne argumentative établit une fausse symétrie, passant sous silence ce que toutes ces femmes ont en commun: le souhait de ne pas être empêchées de mener la vie qu’elles souhaitent, de ne pas être entravées dans leur liberté de conscience, et d’être maîtresses de leur corps.

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3. Raz de marée

La médiatisation du débat politique houleux autour du nouveau règlement a provoqué un déferlement de haine sur la toile. Trois députées de gauche s’opposant à l’interdiction du burkini ont été la cible d’attaques violentes sur les réseaux sociaux. Les propos sexistes, racistes, transphobes et islamophobes qu’Annick Ecuyer, Uzma Khamis Vannini et Amanda Gavilanes ont subi ont même mené à des dépôts de plainte pénale. Passé ce raz de marée, des opposant-e-s ont continué de faire valoir un discours anti-islamophobe. En vain. Et dans un silence quasi général, le burkini est devenu interdit dans les piscines municipales genevoises.

4. Eau qui dort

L’institutionnalisation de l’islamophobie en Suisse arbore plusieurs visages. Parfois, les attaques sont frontales comme lors de l’initiative anti-minarets. D’autres fois, elles se font plus subtiles, passant par des routes indirectes, comme la redéfinition de points de détail d’un règlement de piscine. Une tournure de phrase d’un texte municipal peut suffire à consolider une vision de la société qui exclut des corps et des croyances. Il nous faut mettre un frein à cette dynamique de l’exclusion.

5. Bouteilles à la mer

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Organisons-nous pour nous réapproprier nos piscines. On ira nager quand on le voudra, comme on le voudra!

Avec Hélène Bessero (www.helenebessero.com) et ce collectif Faites des vagues (www.facebook.com/faitesdesvagues/)

 

Faites des vagues!

Le collectif Faites des Vagues est un collectif de femmes racisées qui se mobilisent contre les différentes formes d’oppressions et leurs intersections. Dans un contexte où les violences et les inégalités qui touchent les personnes minorisé-e-s ne décroissent pas, nous nous mobilisons contre le racisme, le sexisme, l’hétéronormativité et le validisme en mettant au jour la manière dont des personnes sont à la croisée de ces inégalités. Dans cette mobilisation, nous souhaitons visibiliser la diversité des points de vue et des positionnements des minorisé-e-s en suscitant la réflexion et l’action politique notamment par la culture, les arts et les débats.
COLLECTIF FAITES DES VAGUES

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