Grande coalition en Allemagne?
Merkel en route pour un quatrième mandat? Voire. Mais elle a, dans tous les cas, pris une sérieuse option ce mercredi pour rester à son poste de chancelière en Allemagne. Un terrain d’entente a été trouvé, après quatre mois de vacance de pouvoir, avec le Parti social-démocrate de Martin Schulz.
Ce qui ouvre la porte à une grande coalition (Groko, en Allemand). Un texte long de 177 pages et qui porte l’empreinte du consensus à tout prix. Le SPD marque quelques points, notamment en arrachant le Ministère des finances, éjectant le très conservateur – et bourreau de la Grèce – Wolfgang Schäuble. Le patron du SPD quitte la tête de son parti et reprendra les affaires étrangères. Ceci alors qu’il y a quelque mois il jurait mordicus qu’il ne participerait pas à un gouvernement mené par Angela Merkel.
Mais la gauche est défaite sur un terrain emblématique: l’immigration. L’intérieur ira à Horst Seehofer, le président de la CSU bavaroise. C’est-à-dire du bastion noir de la réaction conservatrice. Le tout sous un intitulé qui ne laisse pas d’inquiéter, puisqu’il présidera un Ministère de l’intérieur, élargi à la construction et, surtout, à la «Patrie» (Heimat). Des droits élémentaires comme le regroupement familial ont été plus que corsetés. L’extrême droite de l’Alternative für Deutschland a déjà gagné une manche.
Le tout se veut «un nouveau départ pour l’Europe» et répond aux appels du pied d’Emmanuel Macron. Vu la politique de démantèlement social que ce dernier a initiée, là-aussi quelques inquiétudes sont de mises.
Enfin, la question emblématique du climat a été opportunément glissée sous le tapis, alors que l’Allemagne est la championne de l’électricité sale, produite à partir de charbon ou de lignite.
Mais si les instances des deux partis à la Groko ont mis sous toit ce compromis gouvernemental, ce dernier doit encore franchir un obstacle, et de taille. La base du SPD sera consultée dans un référendum par correspondance. Lors du dernier congrès du parti, le principe de la Groko n’a été approuvé que par 56% des délégués.
La Juso, la jeunesse socialiste, frondeuse comme il se doit, mène campagne tambour battant contre cet accord, son charismatique président, Kevin Kühnert, en tête. Sur les quelque 460 000 membres du SPD, 70 000 sont de la Juso et cette dernière fait adhérer en masse des jeunes militants depuis des semaines. Un scénario à la Bernie Sanders ou à la Jeremy Corbyn n’est plus à exclure.