Il faut répondre à nos besoins réels
Le 22 décembre, au matin on entendait à la radio un élu progressiste vaudois débattre avec un conservateur fribourgeois au sujet du «milliard de cohésion pour l’UE». L’enjeu était de savoir si Doris Leuthard avait eu raison d’adopter une position ferme envers l’UE pour monnayer notre accès au marché européen et le maintien de la bourse suisse, avec le fameux milliard de cohésion. L’émission se déroulait comme si c’étaient là des priorités objectives ou des volontés partagées par les auditeurs. Comme si c’était forcément une bonne chose de faire croître le commerce international et la valeur boursière des grandes entreprises.
Espérons qu’une discussion ouverte avec ces élus aurait mené à nous accorder sur une autre direction bien plus souhaitable celle-là: faire croître l’approvisionnement local pour nos besoins de base et les assurer dans la durée. Peut-être que l’élu progressiste aurait trouvé cela utopique de financer l’état social sans l’accrochage au marché européen. Peut-être que le conservateur aurait eu de la peine à faire le deuil des profits que la globalisation permet. Mais finalement ce qu’ils pensent nous distrait et n’est pas primordial. Ils gèrent l’économie d’aujourd’hui dont notre mode de vie actuel dépend. Mais cela ne nous empêchera pas de penser l’économie qui la remplacera. La priorité est de porter notre attention sur ce que l’on veut faire croître, ici et là, partout: de belles relations comme celles que permettra le Supermarché paysan participatif à Meyrin (GE). Ce projet porte une ambition bien plus souhaitable que celui de Coop-Migros, en bout de course, ou que le milliard de «cohésion» avec l’UE. Une ambition qui fait présager des solutions participatives similaires pour répondre mieux à nos réels besoins: le soin envers les personnes âgées hors du système EMS à 6000 francs par mois; l’approvisionnement en énergie locale en réseau; le rachat de bâtiments par leurs habitants actuels en coopératives d’habitation sans régie; le développement de réseaux de mobilité douce (vélo, marche) pour se libérer du système automobile, qu’il soit à essence ou électrique. Décrocher peu à peu du système globalisé et faire pousser la participation, secteur par secteur, voilà un objectif motivant parce qu’il est crédible et porteur de changements profonds. Son succès pourrait se révéler contagieux. Il pourra nous permettre d’absorber le déclin très probable du système des grands ensembles et du commerce globalisé que l’UE alimente.
Philippe de Rougemont, Noe21, coordinateur