Un à zero pour les lobbys
Au cinéma, dans la rue et dans la presse payante, la pub pour les cigarettes a encore de beaux jours devant elle. Le sponsoring de festival et d’événements sportifs par l’industrie du tabac aussi. Renvoyé à sa copie par une majorité bourgeoise, le ministre de la Santé, Alain Berset, a vidé de sa substance le projet de loi sur les produits du tabac. Philip Morris, British American Tobacco et Japan Tabacco pourront se targuer d’être implantés dans le pays d’Europe le moins restrictif en matière de publicité. A tel point que la Suisse, trop laxiste, ne sera pas en mesure de rejoindre les 180 Etats qui ont ratifié la convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Le texte était l’occasion de mettre en place de véritables mesures de prévention. Il est devenu un blanc-seing à l’industrie, qui pourra continuer à draguer les jeunes, sa principale cible.
Plus de la moitié des fumeurs ont allumé leur première cigarette avant leurs 18 ans. La publicité assaille les lieux fréquentés par les jeunes, mineurs compris. Ceux qui sortent le samedi soir sont exposés en moyenne à 68 messages pro-cigarettes, selon une étude de l’Observatoire des stratégies marketing pour les produits du tabac en Suisse.
Visuels décalés, cadeaux branchés, concours pour un week-end dans un hôtel de luxe ou marketing participatif, où le consommateur devient lui-même passeur du message publicitaire: le projet de loi ne propose aucun frein à ces stratégies prisées par les multinationales pour piéger les plus jeunes.
L’interdiction de la publicité dans les journaux gratuits et sur les pages internet en libre accès n’est qu’une maigre consolation. Quant à l’âge légal fixé de manière uniforme à 18 ans (déjà adopté par de nombreux cantons), il est certes positif, mais il risque de ne pas faire le poids face à un marketing qui joue sur la transgression.
Le gouvernement renonce donc à protéger au mieux la population contre les effets toxiques d’un produit responsable de 9500 décès par an. Restera aux cantons d’avoir le courage politique d’adopter des lois plus restrictives. Alors que l’interdiction de fumer dans les lieux publics avait suscité une levée de boucliers, la cigarette dans les bistrots et dans les trains résonne aujourd’hui comme une pratique d’un autre temps. Combien de temps faudra-t-il pour que la publicité ravageuse suive le même chemin? I